Une semaine décisive avant le Conseil des ministres et ultime tentative pour colmater la brèche avec le Hezbollah
©Ici Beyrouth

Dans une semaine jour pour jour, le Conseil des ministres doit se réunir, sauf report de dernière minute. L’objectif? Examiner le plan élaboré par le commandement de l’armée, afin de mettre en œuvre la décision gouvernementale de centraliser toutes les armes aux mains de l’État.

Une semaine qui s’annonce riche en développements majeurs. À commencer par la visite demain à Beyrouth du sénateur républicain de premier plan Lindsey Graham, accompagné des émissaires américains Morgan Ortagus et Tom Barrack. Puis celle, attendue, du président du parlement Nabih Berry au palais de Baabda. Sans oublier la séance du Conseil de sécurité consacrée au renouvellement du mandat de la Finul.

Les contacts se sont intensifiés entre les instances officielles et le tandem chiite pour tenter de rétablir un minimum d’équilibre, après ce que le Hezbollah a qualifié de «décision péché»: la résolution prise par le gouvernement de Nawaf Salam sur l’exclusivité des armes entre les mains de l’État. Selon un médiateur, les relations entre le président de la République Joseph Aoun et le tandem se sont sérieusement dégradées après cette décision, d’où la nécessité de les refonder sur de nouvelles bases.

Le Hezb a toutefois assuré qu’il ne souhaite pas rompre avec Aoun, malgré un fort ressentiment.

Dans l’entourage du tandem, on souligne que le reproche majeur adressé à Aoun est d’avoir rompu l’entente tacite de garder le dossier des armes sous son autorité, et de l’avoir brusquement transféré au Conseil des ministres. La décision a été adoptée malgré le retrait des ministres chiites, et assortie d’un calendrier précis, ce que le tandem n’a pas digéré. «Nous ne voulons pas franchir le point de non-retour, d’où la non-démission de nos ministres. Mais nous avions demandé de reporter le dossier des armes, pas de l’entériner avec un délai, nous avons été très surpris», confient ces milieux.

Un proche du dossier estime qu’«il faut refonder la confiance entre Baabda et le tandem». Le Hezbollah, dit-il, «comprend que le président est celui de tous les Libanais, mais il aurait souhaité plus de prudence. Que la décision ait été prise sans ses ministres, puis assortie de délais, a accru l’inquiétude, d’autant que l’exécutif est jugé sous influence américano-saoudienne et sous la pression de Salam. Ce dernier est notamment qualifié par le Hezbollah de «Joulani libanais» malgré ses positions passées contre Netanyahou devant le tribunal international».

À Aïn el-Tiné, Nabih Berry refuse l’escalade et surtout toute descente dans la rue, pour éviter un face-à-face avec l’armée. «Une rue en appelle une autre», confient ses proches.

Slogans éculés et sans valeur

Les milieux souverainistes rétorquent, face aux menaces de guerre civile, qu’il s’agit de «slogans éculés et de monnaie de singe». Ils ajoutent que le Hezbollah doit reconnaître sa défaite, son axe s’étant effondré avec la chute du régime Assad, pilier iranien. Partant, l’Iran s’accroche à la carte du Hezbollah malgré l’érosion de son influence dans la région.

Le président Aoun, de son côté, confie avoir «attendu plus de sept mois avant d’agir». Le tandem chiite n’a pris aucune initiative. A chaque réunion il insistait sur l’urgence de mettre en œuvre l’exclusivité des armes, conformément à son discours d’investiture, à Taëf, à la Constitution et à la résolution 1701. La réponse qu’il recevait se limitait à lui demander de patienter et d’attendre qu’Israël applique l’accord de cessez-le-feu.

Sous la pression intérieure et extérieure, et face à l’insistance des forces politiques pour que la question des armes soit discutée au Conseil des ministres, centre de décision, il a pris l’initiative dans un contexte marqué par l’accélération des évolutions régionales. Washington a proposé son aide pour consolider le cessez-le-feu au sud. Il donc saisi cette opportunité et transformé la proposition américaine en une initiative libanaise, après l’avoir amendée avec le président Nabih Berry.

Il fallait choisir entre la prospérité ou le suicide, entre l’intégration internationale du Liban ou son isolement et la privation d’aides. Aoun a donc informé les pays frères et amis ainsi que les Nations unies de la décision, en affirmant que le Liban s’engageait à l’appliquer, et demandé à l’émissaire américain qu’Israël, de son côté, respecte ses obligations de retrait, de libération des prisonniers et de cessation des violations.

Inéluctable

Les médiations internes et externes se multiplient pour retisser les liens entre Baabda et le tandem. Aoun se dit «ouvert à toute discussion sous l’égide de l’État». Le député Mohammad Raad a répliqué via le conseiller du président Aoun, le général de brigade André Rahal: «Si vous appliquez la décision telle quelle, ce sera l’affrontement. Mais si vous voulez coopérer, nous avons nos plans et vous les vôtres. Discutons-en.»

Les milieux informés n’excluent pas, avant que l’armée ne finalise son plan pour le mécanisme de remise des armes, une rencontre entre les présidents Aoun et Berry, et ce avant la séance du 2 septembre consacrée à la discussion du plan. Le tandem chiite s’est rassuré des positions de l’armée, qui a indiqué que le plan sera à la fois sécuritaire et politique, et sera fondé sur une approche graduelle, sans recours à une mise en œuvre par la force.

L’armée affirme son refus de toute confrontation de rue et exige une décision politique qui supervise le processus d’exécution. Le Hezbollah, de son côté, tente d’éviter un affrontement avec l’armée. Il n’y recourra donc pas, car l’État, les forces politiques et les institutions ne soutiennent plus son arsenal, celui-ci ayant perdu sa légitimité.

La remise des armes est désormais inéluctable, à commencer par celles des factions palestiniennes, même si le calendrier exact reste flexible. «Il n’y aura plus d’armes illégales après 2025, et pas d’élections législatives sous la menace des armes», tranche un responsable souverainiste.

La décision du gouvernement, poursuit-il, «est un tournant que l’on n’imaginait pas possible après l’échec du compromis. La décision a été prise, et il revient désormais au gouvernement de la mettre en œuvre, avec la contribution des forces politiques à l’application de l’accord de Taëf. Quant à ceux qui réclament sa révision, nous demanderons, une fois les armes remises, l’ouverture d’une table de dialogue national où nous présenterons une proposition complète, dans une formule évolutive, inscrite dans le cadre du pluralisme, encadrée par la loi et dans l’unité nationale».

«Les rumeurs de guerre civile appartiennent au passé et ses conditions qui n’ont plus lieu d’être. Aucun soutien, soit-il interne ou externe, ne peut lui servir de couverture. D’ailleurs, le Hezbollah est désormais à découvert après sa guerre avec Israël», conclut-il.

 

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