
Le secrétaire du Conseil suprême iranien de sécurité nationale, Ali Larijani, a entamé une visite de trois jours en Irak puis au Liban, au moment où l’armement des milices chiites dans ces pays pose d’importants défis politiques et sécuritaires. Nommé la semaine dernière à la tête du Conseil suprême, Ali Larijani a signé, lundi, un accord de sécurité avec Bagdad.
Au Liban, où il est attendu mercredi, cette visite crispe une grande partie de la classe politique. Elle intervient après plusieurs déclarations de dirigeants iraniens, s’opposant au désarmement du Hezbollah, décidé la semaine dernière au Conseil des ministres. Le ministre des Affaires étrangères; Joe Raggi, a dénoncé, dans un communiqué, «l’ingérence flagrante de l’Iran dans l’affaire de la remise des armes du Hezbollah et l’incitation à la conservation de ces armes», contraire selon lui à la Constitution, aux lois et à l’intérêt libanais.
D’autres personnalités demandent sur les réseaux sociaux à Téhéran de «s’occuper de ses propres affaires».
Téhéran en mission
En Irak, Larijani devait négocier un compromis délicat: intégrer les milices chiites dans l’armée nationale tout en leur permettant de conserver une certaine autonomie d’action en tant que proxy de l’Iran.
Ces milices, regroupées notamment dans la coalition des Forces de mobilisation populaire (Hachd al-Chaabi), restent profondément influentes et parfois aussi puissantes militairement que les forces de l’État. Le gouvernement irakien tente d’encadrer cette influence, mais les tensions internes sont vives, notamment à cause de la rupture consommée en 2020 entre l’ayatollah Sistani, plus haute autorité chiite irakienne, et les milices pro-iraniennes.
Cette rupture illustre un clivage religieux et politique majeur, entre ceux qui souhaitent une intégration légalisée des milices dans le cadre de l’État et d’autres groupes qui refusent de se soumettre entièrement à la souveraineté nationale. Ces derniers souhaitent ainsi maintenir une marge d’autonomie et d’influence pour Téhéran, selon l’expert David Rigoulet-Roze, expert de l’Iran et chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS), interrogé sur le sujet.
Au Liban, le Hezbollah, déjà contesté pour sa politique et son implication dans les conflits régionaux au mépris de l’intérêt libanais, est affaibli militairement après son dernier conflit avec Israël et la chute de son allié syrien. Sous pression, il tente de préserver son arsenal et son influence malgré une opposition grandissante, ce qui le place dans une position fragile, irresponsable pour certains, au détriment de la stabilité du pays.
Vers un nouveau chapitre pour la région?
La visite d’Ali Larijani s’inscrit donc dans un contexte de fortes tensions où se joue la capacité de Téhéran à maintenir son influence via ses milices, face à des États locaux décidés à reprendre le contrôle de leur souveraineté sécuritaire.
Pour Téhéran, l’affaiblissement du Hezbollah au Liban et les tentatives de contrôle des milices en Irak menacent directement son réseau régional d’influence. La tournée de Larijani apparaît ainsi comme une mission de tentative de consolidation de ses positions, au moment même où ses relais militaires sont contestés.
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