
Robert M. Wilson, maître de l’esthétique scénique et fondateur du Watermill Center, est décédé le 31 juillet 2025 à Water Mill, dans l’État de New York, à l’âge de 83 ans, des suites d’une maladie foudroyante. Ses œuvres mêlant théâtre, opéra, arts plastiques et vidéo ont redéfini le langage du spectacle vivant.
Il aura fallu un spectacle silencieux de sept heures, présenté au Festival de Nancy en 1971, pour que la France tombe amoureuse de Bob Wilson. Le Regard du Sourd, ode visuelle née d’un choc – l’arrestation violente d’un adolescent sourd-muet qu’il finira par adopter – marquera un tournant dans la scène contemporaine. Le poète Louis Aragon, ému aux larmes, écrira: «Je n’ai jamais rien vu de plus beau en ce monde depuis que j’y suis né».
Né le 4 octobre 1941 à Waco, au Texas, dans une ville sans théâtre ni musée, Bob Wilson semble avoir inventé son propre art. Enfant bègue, il trouve refuge dans le mouvement et le silence. La danse le soigne, l’architecture le structure, mais c’est la lumière qui l’illumine. À New York, il fréquente Andy Warhol, John Cage, Martha Graham, et croise Philip Glass. Ensemble, ils créent Einstein on the Beach, ovni opératique de près de cinq heures, sans récit linéaire, qui explore le temps, le son, la lumière et l’espace. Le monde du spectacle ne s’en remettra jamais.
«Bob et moi avons commencé à travailler ensemble en 1973. Ce qui devait être une simple collaboration est devenu un projet de vie», a déclaré Philip Glass, bouleversé par la disparition de son ami.
Ses mises en scène, Peter Pan, Turandot, Orlando avec Isabelle Huppert, captivent par leur pureté visuelle, leur lenteur hypnotique et leur précision géométrique. Wilson impose une grammaire scénique faite de silences éloquents, de gestes chorégraphiés et de lumière sculptée. Il collabore avec Tom Waits, Lady Gaga, Mikhaïl Barychnikov, et crée au Louvre des portraits vidéo devenus cultes.
Mais c’est en France qu’il trouve un second foyer. Il y inaugure l’Opéra Bastille en 1989, enchaîne les productions à Lyon, Paris, Avignon… et fait salle comble partout. « Les Français m’ont donné un chez-moi », confiait-il à l’AFP en 2021.
En 1992, il fonde le Watermill Center, une ruche artistique où se croisent jeunes talents et maîtres du geste. «C’est un atelier vivant, comme ceux de Véronèse ou Rubens», aimait-il dire. Lors du mouvement Black Lives Matter, il y organise une grande exposition hommage à George Floyd.
Le monde de l’art pleure un créateur total, un metteur en scène hors norme, un homme qui, sans jamais chercher à plaire, a profondément transformé notre façon de regarder.
Avec AFP
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