Guerre au Soudan: échec de pourparlers menés par Washington, les combats continuent
Une réunion cruciale organisée par les Etats-Unis pour apaiser le conflit soudanais a été annulée en raison de désaccords entre alliés régionaux, tandis que l’armée et les FSR poursuivent leur guerre acharnée sur le terrain, avec chacun son propre gouvernement rival. ©EBRAHIM HAMID / AFP

Une nouvelle tentative de médiation visant à mettre fin à la guerre meurtrière au Soudan a échoué cette semaine, les Etats-Unis n’ayant pas réussi à réunir les acteurs internationaux clés à Washington.

Sur le terrain, l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) mettent en place des gouvernements concurrents et cherchent à étendre leur contrôle territorial, avec notamment des combats acharnés au Darfour Nord et au Kordofan (ouest). Depuis avril 2023, la guerre entre le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée, et son ancien adjoint Mohamed Daglo, dit «Hemedti», commandant des FSR, a fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés, provoquant ce que l’ONU qualifie de «pire crise humanitaire au monde», avec destructions, famine et choléra.


«Désaccords diplomatiques»
Plusieurs initiatives de médiation ont déjà été engagées, notamment à Jeddah en Arabie saoudite et à Genève en Suisse, mais aucune n’a abouti. Début juillet, le président américain Donald Trump a de son côté mis en avant les efforts de son administration pour la paix en Afrique. «Il reste encore beaucoup à faire, notamment dans des pays comme le Soudan, où les problèmes sont nombreux.» La diplomatie américaine avait prévu de réunir les ministres des Affaires étrangères saoudiens, égyptiens et émiratis, en l’absence des rivaux soudanais. Mais cette réunion quadripartite a été annulée en raison d’un désaccord entre l’Égypte et les Émirats, selon les informations recueillies par l’AFP.

Selon une source diplomatique, les Émirats auraient proposé, à la dernière minute, un texte excluant à la fois l’armée et les FSR de toute future transition, une clause jugée «totalement inacceptable» par le Caire. De plus, «les Etats-Unis n’étaient pas prêts parce qu’ils ont éliminé le personnel travaillant sur le Soudan», pendant la récente restructuration du Département d’État, ce qui les a privés de toute «mémoire institutionnelle» sur le processus de négociations, selon l’analyste soudanaise Kholood Khair.

Pour le gouverneur pro-armée du Darfour, Mini Minawi, le blocage diplomatique révèle surtout un décalage entre les médiations internationales et les réalités du terrain, alors qu’il faudrait «agir selon les opinions exprimées par les Soudanais et non par les pays étrangers». «Nous pensons que les Émirats arabes unis ne sont pas qualifiés pour mener une médiation (...) car les FSR sont alimentées et soutenues par les Émirats», a-t-il déclaré lundi. Abou Dhabi a toujours démenti toute ingérence dans le conflit, malgré plusieurs rapports d’experts de l’ONU et d’organisations internationales l’accusant d’armer les paramilitaires.

Le Caire, de son côté, soutient le pouvoir du général al-Burhane et le considère comme le seul acteur légitime.
 

«Absence de volonté»
Pour Bakri Eljack, porte-parole de la coalition civile Sumoud présidée par l’ancien Premier ministre Abdallah Hamdok, «en l’absence d’une véritable volonté interne», il est peu probable que les Etats-Unis et les grandes puissances régionales arrivent à des résultats. L’échec de la réunion de Washington «n’aura pas d’impact sur le terrain, car les forces armées n’y accordent pas d’importance depuis que la situation sur le terrain a changé» en leur faveur, contrairement aux FSR, «confrontées à des revers et à des divisions internes», estime pour sa part l’expert militaire et ancien général Tarek Abdelkarim.

De son côté, Alaa Naqd, porte-parole du Tassiss, une coalition regroupant les FSR, des mouvements armés et civils, a estimé que le report sine die de la réunion quadripartite ne devait pas être interprété «comme un échec» mais comme une «première tentative de l’administration du président Trump pour traiter le dossier soudanais». Pour les Américains, il s’agissait de «sonder les opinions de ses alliés dans la région», a-t-il dit à l’AFP depuis Nyala, capitale du Darfour-Sud.

Depuis quelques semaines, chacun des deux camps rivaux tente d’asseoir sa légitimité. Le Premier ministre récemment nommé par le pouvoir militaire, Kamel Idriss, cherche à réinstaller son nouveau gouvernement à Khartoum, la capitale reconquise par l’armée fin mai.

En parallèle, les FSR ont également désigné leur propre Premier ministre, Mohamed Hassan al-Ta’ayshi, et commencé à former une administration concurrente, notamment dans le Darfour. L’Union africaine a appelé mardi à «ne pas reconnaître» ce gouvernement rival en estimant que cette initiative compromettait «les efforts de paix et l’avenir même du Soudan».

 

Par AFP

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