
Un spectacle immersif inspiré du scandale de l’Affaire des poisons secoue le Printemps de Manhattan. Entre opéra baroque, acrobaties et fastes du Grand Siècle, le XVIIe siècle s’invite au cœur de la finance new-yorkaise.
Acrobaties, robes somptueuses et intrigues de palais: l'Orchestre de l'Opéra royal de Versailles a réussi à recréer le XVIIe siècle français en plein cœur de Wall Street pour ses débuts dans la métropole américaine.
Lundi soir, au Printemps, nouveau magasin de luxe ouvert en mars sur la pointe sud de Manhattan, les spectateurs ont eu droit à un spectacle immersif, l'Affaire des poisons, centré sur la découverte jadis de l'arsenic, poison alors indétectable.
Pour ajouter à cette plongée dans les siècles passés, les spectateurs étaient, comme les artistes, vêtus de corsets soyeux, de coiffes à plumes ou le visage fardé.
Au cœur de l'intrigue: Catherine Deshayes, ou madame La Voisin, une sage-femme, sorcière, organisatrice de messe noire, une «personne de l'ombre» qui «vendait poisons et poudre de perlimpinpin», explique le créateur du spectacle Andrew Ousley.
«Elle était le lien» d'une affaire plus vaste qui «avait des ramifications jusqu'à Louis XIV et ses maîtresses préférées», un complot où des cercles intimes rivalisent de coups bas, allant jusqu'aux meurtres.
Ce scandale de l'empoisonnement secoua la France de 1676 à 1682, créant un véritable climat de «chasse aux sorcières», avec la mise sur pied d'un tribunal qui jugea des dizaines de personnes dont la marquise de Montespan, maîtresse de Louis XIV, au point où ce dernier ordonna la destruction de documents accablants pour la protéger.
«Pour moi, cette affaire évoque notre époque présente avec cette corruption qui peut s'immiscer sous le vernis du luxe et la richesse lorsqu'elle est dénuée d'empathie et d'humanité», note Andrew Ousley.
Classique «rock»
Outre la musique classique, le spectacle comprend des danseurs aux costumes raffinés, dont l'un marchait en équilibre, sur des bouteilles de vin, chaussé de talons hauts étincelants.
Ce spectacle est «une belle façon d'intégrer le ridicule, le côté peut-être aussi maniéré et le faste de Versailles à notre époque moderne», estime l'artiste d'opéra drag Creatine Price, qui célébrait la «messe noire» de la soirée.
La culture drag est une forme de «résistance» en soi, dit-elle à l'AFP, précisant que son rôle est «l'essence même de la vérité face au pouvoir, car il contredit tout ce qui est la norme dans l'opéra, qu'il s'agisse de genre ou de la voix».
Fondé en 2019, l'Orchestre de l'Opéra royal de Versailles est actuellement en tournée aux États-Unis, où il s'est produit au prestigieux festival de Napa Valley, en Californie (ouest), avant d'atterrir à New York.
Les musiciens de cet ensemble spécialisé dans le répertoire des XVIIe et XVIIIe siècles jouent d'ailleurs avec des instruments d'époque.
«Jouer un instrument historique, j'ai vraiment l'impression d'être en contact avec l'époque à laquelle a été composée (la musique) et avec l'esprit, la vibration de cette musique», explique Alexandre Fauroux, qui joue du cor naturel, un ancêtre du cor français qui se distingue par son absence de pistons.
Andrew Ousley dirige, lui, l'association Death of Classical (La mort du classique, ndlr), qui organise des concerts de musique dans des lieux incongrus ou inattendus comme les catacombes du cimetière Green-Wood de Brooklyn ou des cryptes de Manhattan.
L'artiste ne cherche pas à tuer la musique classique, mais à déconstruire l'image snob que plusieurs ont d'elle: «ces musiciens jouent avec une telle énergie que, pour moi, cela ressemble plus à un groupe de rock qu'à un orchestre».
En célébrant la musique classique, là où elle n'est pas attendue, comme cette semaine dans un magasin ayant pignon sur Wall Street, Andrew Ousley dit ainsi chercher à «lutter contre l'obscurité qui semble gagner notre monde».
Par Maggy DONALDSON / AFP
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