
L'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) n'a toujours pas finalisé les règles encadrant l'extraction minière en haute mer, malgré deux nouvelles semaines de négociations. Refusant de céder à la pression des États-Unis, prêts à se lancer seuls dans cette industrie controversée, l'organisation poursuit ses travaux sans compromis hâtif.
Réunis à Kingston (Jamaïque), les 36 États membres du Conseil de l'AIFM — son organe exécutif — ont achevé jeudi l'examen du projet de «code minier», composé de 107 règles encadrant l’exploitation du plancher océanique international, riche en minerais essentiels à la transition écologique.
«C’est une étape importante» a déclaré le président du Conseil Duncan Muhumuza Laki, salué par des applaudissements. Mais après plus de dix ans de discussions, les questions cruciales de protection de l’environnement font toujours l’objet de profondes divisions. Plusieurs délégations se sont même opposées à l’objectif affiché de finaliser les règles d’ici fin 2025.
«Les activités d’exploitation ne peuvent pas commencer tant que nous n’avons pas un cadre solide, équitable et applicable, et tant que la science ne nous donne pas le savoir scientifique nécessaire pour identifier les impacts sur l’environnement marin» a défendu Salvador Vega Telias, représentant du Chili, l’un des 37 pays réclamant un moratoire.
La secrétaire générale de l’AIFM, Leticia Carvalho, a souligné l’importance d’une approche rigoureuse : «Les fonds marins ont besoin de règles (...) Le succès de la gouvernance des fonds marins dépendra de notre capacité à nous appuyer sur une science solide, un dialogue inclusif et la sagesse d’agir avec précaution.»
– «Patrimoine de l’humanité» –
La session du Conseil précède l’Assemblée des 169 États membres, prévue la semaine suivante. Elle survient alors que Donald Trump a ordonné en avril à son administration d’accélérer la délivrance de permis d’exploitation minière sous-marine, y compris hors des eaux territoriales américaines. Les États-Unis ne sont membres ni de l’AIFM ni de la Convention de l’ONU sur le droit de la mer.
Profitant de cette faille, la société canadienne The Metals Company (TMC) a déposé une première demande de licence. Un geste perçu comme un contournement de l’Autorité, dénoncé par plusieurs pays et ONG.
Un projet de résolution encore en discussion, consulté par l’AFP, demande à la commission juridique et technique de l’AIFM d’«enquêter» sur les «problèmes de conformité» liés à la participation d’entités ayant signé des contrats avec l’AIFM tout en menant des activités minières hors du cadre multilatéral. Elle pourrait recommander des «mesures» en cas de violation.
La filiale de TMC, Nori (Nauru Ocean Resources Inc.), détient un contrat d’exploration depuis 2011 dans la zone Clarion-Clipperton (CCZ), dans le Pacifique entre le Mexique et Hawaï. Ce contrat expire dans un an. TMC envisageait d’y déposer la première demande d’exploitation, avant de se tourner vers les États-Unis via sa filiale américaine.
Les négociations ont été tendues à Kingston, plusieurs délégations critiquant les méthodes du président du Conseil, notamment les nombreuses discussions à huis clos.
«Ce dont le Conseil discute est le patrimoine commun de l’humanité (...) et cela nécessite que l’humanité ait accès à ce qui se passe» a déclaré Emma Wilson, de l’alliance Deep Sea Conservation Coalition, dénonçant un «changement majeur» dans les procédures.
Les défenseurs des océans mettent en garde contre une industrie minière aux conséquences inconnues sur des écosystèmes peu étudiés. De leur côté, industriels et États favorables à l’exploitation avancent l’urgence d’accéder à des ressources stratégiques (cobalt, cuivre, nickel), essentielles notamment à la fabrication de batteries pour véhicules électriques.
Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS/AFP
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