
La fin de l’intermède iranien prolongé est loin d’annoncer de nouveaux commencements dans une région qui a largué toutes les amarres. Il s’agit d’une région qui a perdu cent ans d’histoire sans pouvoir asseoir des équilibres géopolitiques et poser des choix politiques qui aideraient à stabiliser les sociétés et les régimes politiques. L’état permanent de convulsion n’a jamais pu évoluer dans la direction des choix de société, où la dialectique des libertés et de l'État de droit aurait pu épargner à ces sociétés les épreuves de la violence et des dictatures idéologiques comme seule norme de la vie politique et des rapports sociaux.
Les choix politiques conjugués à l’aune des fascismes nationalistes et islamistes rendent suffisamment compte des réalités en cours. Ce n’est pas un hasard d’arriver là où nous sommes, alors que la vie politique n’a fait que codifier les processus de destruction en cours. À regarder de près les évolutions en cours, tant au Liban qu’en Syrie, on s'aperçoit que les présumés nouveaux départs qui ont succédé à la défaite du Hezbollah et à la fin du régime Assad ont tourné court au profit du chaos et des guerres civiles en gestation.
Le régime iranien agonisant et les défuntes formations du terrorisme islamiste se rejoignent dans une ultime tentative, afin de contrecarrer les dynamiques alternatives impulsées par la contre-insurrection israélienne et de ramener la vie politique régionale aux entropies destructrices des totalitarismes islamistes et de leurs dérivés stratégiques.
L’échec patent de l’alternance politique au Liban est dû à la gravité des clivages politiques, à l’absence des consensus normatifs qui devraient normalement guider un contexte de transition et aux choix politiques erronés qui l’ont marqué. L’élection présidentielle ne correspond en rien à une alternance démocratique avec le parlement croupion, l’encadrement oligarchique et la politique revancharde du fascisme chiite qui a réinvesti le jeu institutionnel en vue de déjouer sa perte militaire et de reprendre le contrôle du pays.
Il s’est avéré que Joseph Aoun n’est qu’un Quisling de service, et Nawaf Salam un idéologue palestiniste entièrement déconnecté des réalités politiques et stratégiques et pris au piège de ses scotomes idéologiques. Le résultat, c'est que le Liban se retrouve désemparé au milieu d’un maelström régional sans repères et dépourvu d’une stature étatique qui lui permettrait de faire valoir ses droits sur la scène internationale. La coalition au pouvoir a détruit la raison d’État et entamé la stature diplomatique d’un État qui s’est autodétruit.
Comment comprendre l’agissement d’un État qui s’est intentionnellement dessaisi de ses attributs de souveraineté au profit d’une formation terroriste qui se recommande de la politique de subversion du régime iranien, et qui s’interdit de traiter avec le régime islamiste en Syrie sur la base d’une politique souveraine affirmée? Un État ne peut pas s’imposer sur la scène politique régionale et internationale sur la base de concessions diminutives qui remettent en cause sa raison d’être. Quels que soient les prétextes avancés à cet endroit, la mort de la souveraineté libanaise est un fait politique qu’on ne peut écarter d’un revers de main. Le Liban est de nouveau confronté à des choix de vie ou de mort dans un contexte régional en pleine déliquescence.
Les paradoxes de la transition politique en Syrie prolifèrent dans tous les sens et les explications fournies déraillent entièrement. La prise du pouvoir par la mouvance islamiste et ses mutations hypothétiques laissent beaucoup de zones d’ombre qui sont loin d’être expliquées. Les évolutions politiques consécutives nous laissent perplexes quant aux chances d’une transition négociée, consensuelle et débouchant sur des alternatives démocratiques et de paix civile.
Les énoncés ambigus d’Ahmad el-Chareh sont loin de dissiper les doutes sur ses intentions et sur la nature de ses engagements. Le seul motif qu’on peut retenir jusque-là est sa volonté de sortir de l’état d’isolement de la Syrie, de l’impossibilité d’envisager un plan de reconstruction et de reprendre de l’initiative en dehors d’une politique de désenclavement résolue. Or cela est loin de suffire en l’absence d’une option sans ambages en faveur d’une transition démocratique et libérale.
Les lests idéologiques et stratégiques de l’islamisme jihadiste sont loin de s’estomper alors que la transition en cours est scandée par une cascade de pogroms qui ont alternativement visé les alaouites, les druzes et les chrétiens, et par une atteinte délibérée à l’autonomie kurde. Autrement, la gouvernance qui se met en place est peu convaincante quant aux visées réformistes tant d’un point de vue conceptuel qu’opérationnel. Une entreprise réformiste se construit à divers paliers et ne peut se laisser réduire à des indicateurs économiques décharnés et dépourvus de structures institutionnelles et sociétales d’encadrement. Or la piétaille jihadiste domestique et internationale laisse peu de chances à un processus de reconstruction d’une grande ampleur comme celui de la Syrie.
Il ne suffit pas d’avoir recours aux résolutions internationales (1701, 1680, 1559) dans le cas du Liban pour venir à bout d’une politique de subversion pilotée par l’impérialisme de la République islamique d’Iran, pas plus que de lever les sanctions à l’égard de la Syrie islamiste. Quoique nécessaires, ces démarches demeurent incomplètes tant que les leviers idéologiques et stratégiques du changement ne sont pas modifiés. Autrement dit, pour aller droit au but, il n’y a pas de changement possible sans un nouveau rapport de forces qui permettrait de redéfinir les enjeux et de promouvoir les encadrements et les élites alternatifs.
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