
Accusé de corruption, l’ancien ministre de l’Industrie et député actuel, Georges Bouchikian, fait l’objet d’une demande de levée de l’immunité parlementaire, pour laquelle une réunion conjointe du Bureau de la Chambre et de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice s’est tenue vendredi matin, à Aïn el-Tiné.
Remise mardi au Bureau, la demande du procureur général près la Cour de cassation, Jamal Hajjar, a été étudiée par le Bureau de la Chambre et la commission parlementaire, dans la matinée. Une sous-commission a été formée et dispose désormais d’un délai de deux semaines pour remettre, aux députés, un rapport statuant sur le sort de M. Bouchikian.
On rappelle, à cet égard, que l’ancien ministre, qui devait se présenter mercredi devant le procureur général, Jamal Hajjar, en sa qualité de «témoin», n’a pas comparu devant la justice, prétextant des raisons de santé.
Les accusations le concernant s’inscrivent dans le cadre d’une enquête en cours sur des soupçons de corruption et d’extorsion au sein du ministère de l’Industrie. D’après les premières constatations de l’instruction, des agents du ministère auraient exigé des pots-de-vin de la part de propriétaires d’usines et d’établissements industriels en contrepartie de l’obtention de licences d’exploitation.
M. Bouchikian est ainsi appelé à témoigner dans le cadre de plaintes visant sa personne ainsi que d’autres responsables du ministère. Bien qu’il ne soit pas à ce stade formellement suspecté, les enquêteurs cherchent à déterminer s’il avait connaissance des faits reprochés, voire s’il y a joué un rôle direct ou indirect.
La levée de l’immunité: guide pratique
Pour comprendre les mécanismes de la levée de l’immunité parlementaire, une lecture des articles 39 et 40 de la Constitution, mais aussi des articles 90 à 98 du règlement intérieur de la Chambre des députés se doit.
Selon un juriste interrogé par Ici Beyrouth, l’immunité est d’ordre public. Ne constituant pas un privilège particulier destiné aux députés, elle a été créée pour préserver sa fonction ainsi que l’indépendance du législatif par rapport à l’exécutif et à l’administration qui dépend de lui, de sorte que le député puisse exercer son mandat sans entrave de la part de l’exécutif.
C’est donc la raison pour laquelle, durant les sessions ordinaires ou extraordinaires, le député bénéficie d’une immunité. Cela signifie, d’après le juriste, qu’aucune poursuite pénale, aucun mandat d’arrêt, aucune privation de liberté le concernant ne peut être exercée à son encontre, sauf en cas de flagrant délit et après avoir obtenu l’autorisation de poursuite, c’est-à-dire la levée de l’immunité de la part de la Chambre des députés.
Comment cette levée se fait-elle concrètement? Selon notre source, le procureur ou le juge d’instruction qui instruit l’affaire défère la demande devant le procureur général près la Cour de cassation, qui établit une requête où figurent: le chef d’inculpation concernant le député autour duquel pèsent des suspicions (dans le cas de M. Bouchikian, de corruption); les articles concernés du Code pénal; la date et le lieu du crime ainsi qu’un résumé des preuves, puisque l’instruction est censée demeurer secrète.
Cette requête est ensuite envoyée auprès du ministre de la Justice, qui établit une demande de levée de l’immunité, à laquelle est annexée ladite requête, avant de la transmettre au président de la Chambre des députés, Nabih Berry. Ce dernier convoque une commission mixte comprenant le Bureau de la Chambre et la commission de l’Administration et de la Justice, présidée actuellement par Georges Adwan.
Réunis en séance conjointe, comme ce fut le cas ce vendredi matin, le Bureau ainsi que la commission devront établir, en l’espace de deux semaines, un rapport qui statue sur le sort du député en question.
Ils devront également s’assurer que les poursuites ne sont pas manifestement illégales et qu’elles ne constituent pas un détournement évident de procédure. Dans le cas où ces garanties sont assurées et une fois le rapport établi, il est déféré devant la Chambre des députés.
Dans le cas contraire, c’est-à-dire si le rapport n’est pas remis dans les délais prévus à cet effet, le président du Parlement est tenu de convoquer l’Assemblée plénière de la Chambre pour statuer sur le sort du député, cette fois sans rapport.
Ce sera donc à la Chambre, à la majorité relative, de décider de la levée (ou non) de l’immunité.
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