Sida: faute de fonds américains, le monde risque de retourner plus de 20 ans en arrière
Un patient montre un comprimé de Vulante, un médicament et plus précisément une association de ténofovir disoproxil fumarate et de lamivudine, utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH chez les adultes âgés de 18 ans et plus, chez lui, dans le township de Msogwaba, près de Mbombela, le 12 mars 2025. ©Phill Magakoe / AFP

L'arrêt de l'aide américaine est «une bombe à retardement» qui risque d’anéantir plus de vingt ans de progrès dans la lutte contre la pandémie de sida, a mis en garde l’Onusida dans un rapport présenté jeudi en Afrique du Sud.

Environ 31,6 millions de personnes bénéficiaient d’un traitement antirétroviral en 2024 et les décès liés au virus ont diminué de plus de moitié comparé à 2010, à 630 000 par an, indique l’agence des Nations unies chargée de la lutte contre le sida.

Mais les contaminations risquent de repartir à la hausse du fait des coupes budgétaires dans les programmes de prévention et de traitement.

Historiquement plus grand donateur humanitaire, les États-Unis ont brutalement réduit leur aide internationale en février après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.

«Nous sommes fiers de nos résultats mais inquiets de cette soudaine interruption, qui est en train d’effacer les progrès réalisés», a déclaré à l’AFP la directrice exécutive de l’Onusida, l’Ougandaise Winnie Byanyima, avant la présentation du rapport à Johannesburg.

L’Afrique du Sud est l’un des pays qui ont payé le plus lourd tribut au sida, avec une espérance de vie tombée à 52 ans en 2006, avant de remonter, et plus d’une personne sur dix vivant avec le virus (12,7 %), soit 8 millions de personnes, selon des chiffres du gouvernement pour 2024.

«Nous sommes passés d’une situation où les gens mouraient tous les jours à un point où (le sida) s’apparente réellement à une maladie chronique», souligne cependant Mme Byanyima.

Donc «la question de savoir si l’investissement valait le coup ne se pose pas, et ça continue de valoir la peine. Ça sauve des vies», dit-elle.

Or, avec l’arrêt du plan d’urgence américain de lutte contre le sida (PEPFAR), l’Onusida a fait ses calculs : cela causerait plus de six millions de nouvelles contaminations et 4,2 millions de décès supplémentaires en quatre ans.

Cela ramènerait la pandémie aux niveaux du début des années 2000.

«Ce n’est pas juste un manque d’argent, c’est une bombe à retardement», souligne dans un communiqué Mme Byanyima, dont le pays compte plus d’orphelins du sida que l’Afrique du Sud (890 000 contre 630 000 en 2024, chiffres Onusida).

Plus de 60 % des associations de femmes contre le sida contactées ont déjà perdu des fonds ou suspendu des services, selon le rapport. Au Nigeria, par exemple, le nombre de personnes sous traitement prophylactique préventif a chuté de 85 % sur les premiers mois de 2025.

«La manière dont le monde a réussi à s’unir (contre le sida) est l’une des pages les plus importantes des progrès en matière de santé publique mondiale», souligne Mme Byanyima.

«Mais cette fantastique histoire est fortement mise à mal» par la décision «cruelle» et «sans précédent» de M. Trump, dit-elle. «Les priorités peuvent changer mais on ne retire pas juste comme ça un soutien vital à des populations».

Des recherches médicales cruciales ont déjà été stoppées, y compris en Afrique du Sud, pays à forte prévalence du sida et à la pointe des recherches.

La lutte mondiale contre le sida, appuyée par un militantisme de terrain, reste « résiliente par nature », veut espérer la dirigeante.

Et dans 25 pays à faibles ou moyens revenus sur 60 étudiés par l’Onusida, les gouvernements ont pu compenser en partie le manque à gagner.

«Nous devons aller vers des réponses financées nationalement et propres à chaque pays», avance Mme Byanyima, appelant à des allègements de dette et à une réforme des institutions financières internationales afin de «dégager une marge de manœuvre budgétaire pour que les pays en développement puissent financer leur propre réponse».

 

Par Julie BOURDIN, AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire