Dans le nord du Bénin, l'État tente de lutter contre le jihadisme avec des projets sociaux
Dans le nord du Bénin, l’État lutte contre le jihadisme grâce à des projets sociaux. ©AFP

Écoles rénovées, forages d’eau ou soins vétérinaires gratuits : dans le nord du Bénin, l’armée dégaine des projets sociaux parallèlement à l’offensive militaire, pour tenter de contrer l’implantation jihadiste sur son territoire et «coproduire la sécurité» avec les communautés locales.

En 2022, le Bénin a déployé 3 000 hommes dans le cadre de l’opération Mirador dans sa partie nord, qui subit des attaques meurtrières de jihadistes affiliés notamment à Al-Qaïda, venant du Burkina Faso et du Niger voisins.

L’opération, principalement défensive, intègre également une offensive sociale à travers une cellule des actions civilo-militaires, qui multiplie les projets de développement dans le nord.

En mai, elle a par exemple soigné gratuitement plus de 4 000 têtes de bétail appartenant à des éleveurs de plusieurs villages de Matéri. Elle a aussi prodigué des soins médicaux à 1 700 patients d’un autre village de l’Atacora.

«Ces projets traduisent une volonté manifeste de restaurer la confiance entre les forces de défense et les communautés, dans un esprit de complémentarité et de co-construction de la sécurité», expliquait début juin le médecin-lieutenant Mardochée Avlessi, en charge du comité civilo-militaire de Matéri.

Le Bénin a appris des erreurs des pays sahéliens : seul, le tout militaire ne viendra pas à bout du jihadisme.

«Il y a la question du développement aussi. Les endroits qui sont les plus insécurisés sont les moins développés du Bénin», explique à l’AFP Mathias Khalfaoui, spécialiste des questions de sécurité en Afrique de l’Ouest et auteur d’une étude sur le sujet.

–Le nord, «région la moins développée» 

«Le nord est la région la moins développée. En échange de ravitaillement et d’information, des groupes terroristes proposent de l’argent aux populations jeunes locales ; les motivations économiques semblent ainsi plus répandues que celles idéologiques», indique un rapport onusien de mai.

Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, est le plus influent dans cette partie du pays, où il tente de s’implanter depuis des années.

En exploitant les frustrations locales, il a pu rallier des Béninois à sa cause.

«Nous avons malheureusement constaté que beaucoup de jeunes de la communauté se retrouvent dans les groupes qui nous attaquent», déclarait en avril le général Fructueux Gbaguidi, chef d’état-major général de l’armée béninoise, lors d’un échange avec la communauté peule de l’Atacora.

«Si on n’apporte pas une réponse de l’État et des services publics dans ces zones, où il y a déjà un ressentiment local et le sentiment parfois d’être un peu abandonné, c’est sûr que ça va rendre impossible la lutte antijihadiste», estime M. Khalfaoui.

L’enracinement local du jihadisme et la suspension de la coopération militaire entre le Bénin et ses voisins du Niger et du Burkina, née d’une crise diplomatique, ont favorisé la recrudescence des attaques meurtrières.

Le pays a connu ses premières attaques en 2021. Trois ans plus tard, elles avaient augmenté et causé 173 morts en 2024, selon le rapport de l’ONU.

Initiatives «mineures» 

Le pays bénéficie également de l’accompagnement de la communauté internationale, qui aide à développer des initiatives sociales dans sa partie nord.

Dans les communes de l’Atacora et de la Donga, l’ONG française de solidarité internationale «Acting for Life» forme de jeunes Béninois en maçonnerie et écoconstruction pour privilégier leur insertion professionnelle.

«Pour mieux occuper les jeunes, il faut les former et surtout les insérer à la vie professionnelle», dit à l’AFP Abdoulaziz Adébi, directeur exécutif de l’association des communes de l’Atacora et de la Donga, chargée de piloter le projet.

«Je tiens mon avenir avec cette formation. Maintenant nous avons su qu’il y a des bonnes choses que nous pouvons faire et nous éloigner de certaines choses», témoigne Boukary Moudachirou, jeune bénéficiaire originaire de Djougou, commune la plus islamisée du nord du Bénin.

Mais les initiatives sociales de l’État sont jugées mineures comparées aux attentes des populations, selon des observateurs, et restent limitées sans une collaboration efficace avec ses voisins sahéliens du Niger et du Burkina.

«Aucune autorité étatique n’est présente à la frontière du Burkina Faso, où le territoire est contrôlé par des groupes armés, tandis que le Niger a fermé ses frontières avec le Bénin. Les accords de +poursuite+ conclus précédemment avec ces deux pays ne sont plus en vigueur», dit l’ONU.

«Avec ce qui se passe à sa frontière avec le Nigeria», où des jihadistes et des gangs sont les auteurs d’attaques meurtrières, «le Bénin doit élargir la zone à défendre», ajoute Mathias Khalfaoui.

Un autre rapport onusien daté de février relève que le GSIM cherche à «avancer vers le Nigeria» depuis le nord du Bénin et s’associer avec Ansaru, un groupe jihadiste nigérian né de la scission de Boko Haram.

D’autres pays de la région, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana ou la Mauritanie, menacés par le jihadisme, ont également misé sur le développement parallèlement à la solution militaire.

Avec AFP

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