Qu'attendre de la visite de Netanyahou à Washington?
Le président américain, Donald Trump (G) et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. ©Brendan Smialowski / AFP

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, est reçu à Washington ce lundi pour sa troisième rencontre à la Maison Blanche avec Donald Trump en six mois. Cette visite n’a rien d’anodin: elle survient alors qu’une trêve (fragile) avec l’Iran tient toujours, que la guerre à Gaza se poursuit et que des pourparlers indirects entre Israël et le Hamas se tiennent à Doha sous médiation qatarie.

Dans ce contexte tendu, les relations israélo-américaines apparaissent plus ambivalentes que jamais. Qu’attendre des discussions?

Iran: désaccords et opportunités

L’un des dossiers les plus urgents est celui de l’Iran. Selon le Washington Institute, le cessez-le-feu entre l’Iran et Israël reste vulnérable, faute de mécanismes clairs de surveillance et d’application.  Donald Trump semble hésiter entre pression maximale et ouverture diplomatique, mais n’exclut pas de nouvelles frappes si Téhéran tente de relancer son programme nucléaire.

De son côté, Tel Aviv, par la voix de son ministre de la Défense, Israël Katz, prône activement une stratégie de «containment agressif» vis-à-vis de l’Iran. Il s’agit de riposter militairement à toute activité jugée menaçante, de manière préventive et systématique.  Mais sans cadre bilatéral défini, cette approche pourrait entrer en conflit avec la volonté américaine d’éviter une nouvelle escalade. La visite viserait donc à harmoniser les stratégies et à poser les jalons d’un accord diplomatique structuré avec Téhéran.

Gaza : statu quo sous surveillance

Sur le front de Gaza, Donald Trump n’a pas exercé de pression majeure pour mettre fin à l’opération israélienne, et a même soutenu Israël par des ventes d’armes accélérées et des fonds alternatifs pour l’aide humanitaire.

Toutefois, comme le rappelle le bimestriel Foreign Affairs, ce soutien inconditionnel ne s’étend pas à l’ensemble de la région. Donald Trump s’est montré disposé à engager des discussions indirectes avec le Hamas, à lier des contacts avec les Houthis, voire à réengager la Syrie. Ces signaux montrent une rupture avec le soutien sans faille de son premier mandat et une volonté de redéfinir l'équilibre régional sans tout miser sur Israël.

De surcroît, un apaisement à Gaza est une condition sine qua non pour une normalisation régionale, notamment avec l’Arabie saoudite. Pour ce faire, selon le Washington Institute, plusieurs conditions doivent être remplies: l’exil des dirigeants du Hamas, la libération des otages israéliens, une présence sécuritaire arabe encadrée par l’Autorité palestinienne et une reconstruction encadrée de Gaza.

Donald Trump pourrait ainsi pousser Benjamin Netanyahou vers une désescalade tactique, sans remettre en cause la domination militaire israélienne sur l’enclave.

Les accords d’Abraham: relance d’une ambition régionale

Un autre objectif stratégique de cette visite, selon l’Atlantic Council, serait de relancer les accords d’Abraham, initiative phare du premier mandat de Donald Trump qui avait permis une normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes.

Aujourd’hui, le président américain veut élargir ces accords à d’autres pays, notamment la Syrie, dans une approche par étapes. L’ouverture du leader syrien Ahmad el-Chareh à une coopération régionale, soutenue par Doha et Riyad, ainsi que par un allègement des sanctions américaines, crée une fenêtre d’opportunité inédite.

Cependant, Washington devra convaincre Benjamin Netanyahou d’opérer un virage diplomatique majeur: accepter de faire des compromis symboliques et politiques envers Damas. C’est un test de la volonté israélienne de s’intégrer dans une architecture régionale nouvelle, au-delà du paradigme purement sécuritaire.

Ainsi, la visite de Benjamin Netanyahou à Washington met en exergue une constante des relations américano-israéliennes: un soutien indéfectible sur la question palestinienne, mais des divergences récurrentes dès lors qu’Israël empiète sur les priorités stratégiques américaines, qu’il s’agisse de l’Iran, de la Syrie ou du Golfe.

Mais sur le dossier iranien, la messe est dite: Donald Trump ne suivra pas Benjamin Netanyahou dans une escalade incontrôlée. Et c’est cette ambivalence (protection inconditionnelle sur le front palestinien, réorientation réaliste ailleurs) qui définira l’ère Trump II en matière de politique proche-orientale.

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