
«Accords locaux, dénonciation des massacres de Wagner, distribution alimentaire: le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), parallèlement à ses nombreux massacres, continue sa mutation, pour tenter de devenir un acteur politique et gouverner des États du Sahel.»
«Groupe jihadiste le plus influent et "menace la plus importante dans le Sahel" selon l'Onu, le GSIM, affilié à Al-Qaïda, utilise des moyens militaires et politiques pour délégitimer les États sahéliens afin de se positionner comme une alternative plus crédible.»
«Le groupe a revendiqué l'attaque coordonnée tôt mardi dernier de plusieurs positions militaires dans sept villes de l'ouest du Mali.»
Q: Comment la stratégie politique du GSIM se manifeste-t-elle ?
R: Le groupe a «orienté sa propagande vers la défense des populations marginalisées et des victimes de violences, publiant fréquemment des vidéos montrant des actes de violence commis par les forces de sécurité et leurs auxiliaires afin de légitimer son discours», explique un rapport onusien datant de février.
Le GSIM a par exemple dénoncé le massacre de plusieurs civils peuls par l'armée burkinabé et ses supplétifs civils en mars près de Solenzo, dans l'ouest du pays. Selon l'ONG Human Rights Watch, «plus de 130 civils peuls» avaient été tués.
Dans une vidéo de propagande filmée, il a accueilli les rescapés et leur a distribué des vivres.
«En représailles, le GSIM a lancé une attaque majeure contre un camp militaire à Diapaga (Est), tuant plus de 30 soldats» et supplétifs civils de l'armée, «revendiquant cet acte comme le "début de la vengeance de Solenzo"», indique une récente analyse de Nina Wilén, directrice du programme Afrique à l’Institut royal des relations internationales Egmont.
«Mais dans d'autres cas, le GSIM peut décider de massacrer ou affamer des civils par des embargos, afin de contraindre les communautés à des accords» locaux qui lui permettent de gouverner, explique à l'AFP Liam Karr, analyste pour l'American Enterprise Institute.
Q: Comment le groupe gouverne-t-il ?
R: Le GSIM n'a pas la capacité de gouverner les grandes villes comme les capitales sahéliennes. Cependant il gouverne indirectement des villages, grâce à des accords locaux adaptés selon les zones.
Ces accords permettent au groupe d'imposer la loi islamique aux communautés locales, leur interdire toute coopération avec les armées sahéliennes et d'avoir des revenus issus du paiement d'une taxe islamique.
«Les populations locales sont souvent ouvertes à certains compromis avec le GSIM, l'État étant absent et donc incapable de les protéger», explique Liam Karr.
«Ces accords conduisent le GSIM à lever des embargos, cesser les attaques ou accepter de protéger les populations», ajoute l'analyste.
Par exemple au Mali, fin mars, le GSIM a mis fin à près de deux ans de blocus qu'il avait imposé à la ville de Boni (Centre), mais aussi l'axe routier qui la reliait à Douentza et à Gao, après la signature d'un accord avec des notables de la localité, autorisés par le gouvernement malien.
Q: Quelle différence stratégique entre le GSIM et l'État islamique au Sahel?
R: L'État islamique au Sahel (EIS), rival du GSIM, a une stratégie politique beaucoup plus brutale qui permet au groupe de gouverner par la terreur.
Par exemple dans le sud-ouest du Niger, il a massacré en juin 71 civils à Manda et 44 autres à Fambita en mars.
«L'EIS établit le contrôle par la force», alors que «le GSIM a tendance à mélanger une approche centrée sur les populations et une approche coercitive», précise Liam Karr.
«Ces différences reflètent les divergences doctrinales entre les groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'État islamique dans le monde», ajoute-t-il.
Q: Le GSIM ambitionne-t-il de prendre des États au Sahel comme HTS l'a fait en Syrie ?
R: Selon plusieurs observateurs, la stratégie politique du GSIM a récemment conduit le groupe à s'associer aux rebelles touaregs maliens du Front de libération de l'Azawad (FLA).
Pour M. Karr, le GSIM est «certainement inspiré par le HTS en Syrie» dont il considère l'expérience «comme un modèle potentiel.»
«Le GSIM pourrait faire la même chose dans le nord du Mali aux côtés du FLA, comme en 2012», dit Liam Karr, qui note toutefois des défis qui limitent l'ambition du groupe.
HTS s'était départi d'Al-Qaïda et bénéficiait d'un large soutien populaire et d'un «sponsor externe, la Turquie», alors que le GSIM est toujours affilié à Al-Qaïda, «dépend largement de ses propres levées de fonds et des armes qu'il récupère auprès des armées sahéliennes», relativise M. Karr.
En outre, il est essentiellement composé de «groupes minoritaires, tels que les Peuls et les Touareg», poursuit-il.
«Pour le moment, le GSIM s'inspire beaucoup plus de la stratégie des talibans. Mais celle de HTS pourrait fonctionner», estime Daniele Garofalo, spécialiste des mouvements jihadistes.
«Mais il faudrait passer par un détachement complet d'Al-Qaïda, un changement dans le type d'attaques, un travail différent dans la gouvernance. Cela pourrait prendre des années», ajoute-t-il.
Avec AFP
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