L’ombre d’une armada : 900 navires fantômes sillonnent les mers pour contourner les sanctions
Un navire de la marine russe est ancré lors d'une répétition la veille de la cérémonie d'ouverture de l'exercice naval multilatéral Komodo 2025 à Denpasar, sur l'île indonésienne de Bali, le 15 février 2025. ©Sonny Tumbelaka / AFP

La « flotte fantôme » mobilisée par la Russie, mais aussi par l’Iran et la Corée du Nord pour exporter illégalement du pétrole, pourrait compter près de 900 navires selon l’amiral Benoît de Guibert, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord.

Auditionné mercredi à l’Assemblée nationale, il a précisé qu’«une dizaine de ces navires» sont actuellement suivis quotidiennement dans les eaux françaises.

«Cette flotte ne concerne pas uniquement les intérêts russes. Elle sert également à d'autres pays comme l’Iran ou la Corée du Nord», a souligné l’amiral, qui s’inquiète d’un phénomène désormais massif, rendu possible par les « libéralités du droit maritime international» et la «relative opacité du transport maritime».

Composée essentiellement de pétroliers de moyenne capacité, souvent vétustes et rachetés récemment par des entités difficiles à identifier, cette flotte opère hors des circuits traditionnels, souvent sans respecter les normes de sécurité internationales.

Certains navires naviguent sans transpondeur, changent fréquemment de pavillon ou procèdent à des transbordements en mer pour masquer l’origine et la destination du pétrole.

Dans le cadre du 18ᵉ train de sanctions contre Moscou, la Commission européenne a proposé d’ajouter 70 nouveaux navires à la liste noire des tankers soupçonnés de participer à ce commerce clandestin. L’Union européenne en cible déjà 342, tandis que le ministre estonien de la Défense, Hanno Pevkur, estimait récemment le total de la flotte fantôme russe à près de 500 navires.

«Il existe de forts soupçons sur la solidité des polices d’assurance associées à ces navires», a averti l’amiral de Guibert, rappelant le danger que représentent ces tankers pour la sécurité maritime et environnementale. Plusieurs d’entre eux évoluent en Manche, une zone très fréquentée et stratégiquement sensible.

Pour de nombreux analystes, la flotte fantôme constitue une faille majeure dans l’architecture des sanctions internationales.

Moscou, notamment, a réussi à maintenir un flux constant de revenus pétroliers malgré les restrictions occidentales, en vendant à des pays tiers via ces réseaux opaques.

L’Iran recourt à des méthodes similaires depuis des années pour contourner les sanctions américaines, tout comme la Corée du Nord dans le cadre de ses échanges illicites de carburant.

Ce phénomène croissant illustre les limites du droit maritime international face à des pratiques d'État hostiles. Il renforce aussi les appels à une meilleure coopération entre pays européens, agences de surveillance maritime et compagnies d’assurance pour identifier, interdire ou bloquer l’activité de cette flotte parallèle qui mine l’efficacité des sanctions et fait peser un risque majeur sur les routes maritimes mondiales.

AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire