Tensions autour du vote des expatriés: séance législative houleuse au Parlement
Les députés réunis dans l'enceinte du Parlement dans le cadre d'une séance législative houleuse. ©Al-Markazia

La séance législative tenue lundi matin, place de l’Étoile, s’est ouverte dans un climat de tension palpable, sur fond de divergences profondes autour de propositions d’amendement de la loi électorale et plus précisément de la question du vote des Libanais de l’étranger.

Dès l’ouverture des débats, les blocs des Forces libanaises et des Kataëb ainsi que plusieurs députés du groupe du Changement ont décidé de se retirer de l’hémicycle, en signe de protestation contre l’exclusion, de l’ordre du jour, d’une proposition de loi visant à amender le dispositif électoral. Ce texte, porté notamment par le bloc de la République forte, entend permettre aux électeurs expatriés de voter, comme lors des Législatives de mai 2022, pour l’ensemble des 128 députés, et non plus uniquement pour six sièges communautaires réservés à la diaspora, dans la loi électorale.

Interpellé à ce sujet par le député Georges Okais, qui lui a rappelé l’existence d’une pétition signée par plus de 65 parlementaires réclamant l’inscription du texte à l’ordre du jour, le président du Parlement, Nabih Berry, a répondu sans détour: «Nous n’avons pas reçu cette pétition. Lorsqu’elle nous parviendra officiellement, nous y répondrons conformément au règlement. Ne me menacez pas. Cette séance se déroulera sans menaces.»

Une prise de position qui a déclenché une vague de protestations, entraînant le départ immédiat des députés des Forces libanaises, suivis de ceux des Kataëb et de plusieurs indépendants.

La loi électorale en vigueur, adoptée en 2017, prévoit la création de six sièges parlementaires réservés à la diaspora, un par continent, en plus des 128 sièges actuels. Pourtant, cette disposition n’a jamais été appliquée. Lors des scrutins de 2018 et 2022, les électeurs de l’étranger ont voté dans leurs circonscriptions d’origine au Liban.

En amont des législatives prévues en 2026, M. Berry plaide pour une application de cette clause, avec une répartition confessionnelle des sièges de la diaspora: un sunnite, un chiite, un druze, un maronite, un grec-catholique et un grec-orthodoxe. Une approche rejetée par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui estime que les émigrés doivent voter dans leurs régions d’origine afin de participer pleinement à la vie politique nationale.

Dans une déclaration faite à l’issue du retrait de son bloc, le député Georges Adwan a dénoncé une rupture avec la tradition parlementaire: «Chaque proposition de loi revêtue du caractère de double urgence est incluse à l’ordre du jour d’une réunion plénière. C’est la première fois en trente ans qu’une telle proposition est écartée, alors qu’elle concerne une question nationale majeure, celle du vote des expatriés.»

Et d’ajouter: «Nous ne cherchons pas à bloquer le travail législatif. Bien au contraire, notre objectif est de l’accélérer.»

Avant même le début de la séance, le vice-président du Parlement, Élias Bou Saab, avait anticipé les tensions: «Nous allons assister à une confrontation politique. La demande d’inclure en urgence cette proposition électorale relève d’une manœuvre politique. Ce point ne figure pas à l’ordre du jour.» Il a également rappelé que «le retrait de la séance est un droit pour chaque groupe parlementaire. Si le quorum est rompu, la session est suspendue. Sinon, elle se poursuivra.»

Parmi ceux qui ont choisi de rester, le député du Parti socialiste progressiste (PSP) Hadi Abou el-Hosn, qui a exprimé son soutien à la proposition de loi tout en refusant de perturber les travaux du Parlement: «Nous soutenons l’inscription du texte à l’ordre du jour, mais nous ne quitterons pas la séance. Nous avons toujours défendu le bon fonctionnement des institutions et refusé toute forme d’obstruction.»

À l’ordre du jour de la réunion de lundi, un ensemble de projets et de propositions de loi, dont une modification du budget de l’année 2025, ainsi qu’un texte visant à accorder une aide financière mensuelle aux militaires, actifs comme retraités.

Durant la séance matinale, le Parlement a donné son feu vert à un accord de prêt avec la Banque mondiale pour la mise en œuvre d’un projet d’énergie renouvelable au Liban.

Il a approuvé l’ouverture d’une ligne de crédit dans le Budget 2025 au profit du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, pour le versement d’une contribution à la Mutuelle des enseignants titulaires de l’Université libanaise. Celle-ci est destinée à couvrir les aides sociales et de santé.

Dans le même ordre d’idées, le déblocage de 1 500 milliards de livres libanaises pour la Caisse des magistrats a été approuvé.

Le Parlement a par ailleurs exempté les personnes qui avaient été affectées par les raids israéliens sur le Liban, durant la guerre avec le Hezbollah, du paiement de certaines taxes et autres obligations fiscales.

La séance, levée peu après 14h, devait reprendre à 18h. Mais le président du Parlement, Nabih Berry, l’a reportée jusqu'à 11h00 demain mardi, en raison de l'absence de quorum, seuls 53 députés étant présents.

Les députés devront se pencher sur des textes liés à l’exercice de certaines professions, notamment les sciences radiologiques et la pharmacie, ainsi que sur des propositions concernant les baux commerciaux et les prérogatives des municipalités.

Enfin, les députés devront se prononcer sur l’adhésion du Liban au Protocole de Madrid, relatif à l’enregistrement international des marques.

 

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