Le gouverneur de la Banque du Liban propose la création d’un organe spécialisé pour la restructuration des banques
©Ici Beyrouth

L’équipe de Salam appelle à l’urgence, tandis que Saïd reste inflexible: l’indépendance de la Banque centrale est une ligne rouge.

La sous-commission relevant de la commission parlementaire des Finances et du Budget, présidée par le député Ibrahim Kanaan, poursuit l’examen du projet de loi sur la restructuration du secteur bancaire. Les discussions se concentrent sur la résolution des divergences entre le projet du gouvernement, les recommandations du FMI, et les propositions présentées par le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Karim Saïd — en particulier en ce qui concerne l’indépendance de la Commission bancaire supérieure et les implications que cela entraîne quant à sa composition et ses pouvoirs.

Le gouverneur Saïd reste inébranlable dans sa défense de l’indépendance de la BDL, insistant sur le fait que toute restructuration doit respecter le cadre légal libanais, notamment le Code de la monnaie et du crédit, qui protège les prérogatives de la BDL et de son gouverneur. D’un autre côté, l’équipe du Premier ministre, Nawaf Salam, insiste pour introduire des propositions qui réduiraient considérablement les pouvoirs et l’autonomie de la Banque centrale.

Le projet de loi sur la restructuration du secteur bancaire prévoit la création d’une Commission bancaire supérieure. Toutefois, cette disposition, proposée par le gouvernement, a été rejetée par le gouverneur Karim Saïd, qui y voit une atteinte aux prérogatives de la BDL en raison des pouvoirs étendus conférés à cette commission et à ses membres.

En guise d’alternative, Saïd a présenté à la sous-commission des Finances et du Budget une contre-proposition prévoyant la création d’un deuxième organe — une Commission spécialisée dans la restructuration bancaire — comme amendement pratique au projet gouvernemental, notamment sur les volets relatifs à la composition et aux attributions de la Commission bancaire supérieure.

Les détails du texte proposé par le gouverneur de la BDL incluent la mise en place d’une commission spécialisée chargée d’intervenir en cas de crise financière systémique. Dans l’exposé des motifs, Saïd estime qu’afin d’appliquer les dispositions de la loi sur la restructuration bancaire au Liban et d’assurer la réorganisation du secteur, une nouvelle commission devrait être établie au sein de la BDL, agissant comme autorité décisionnelle pour déterminer quelles banques doivent être soumises à un processus de restructuration ou de liquidation.

Cette commission interviendrait dans des circonstances spécifiques, à savoir:

  • La restructuration bancaire en réaction à la crise systémique qui frappe le Liban depuis 2019.
  • Toute crise systémique future impliquant plusieurs banques.

Composition de la commission proposée

La commission comprendrait cinq membres votants:

  • Le gouverneur de la Banque du Liban (en tant que président)
  • Le président de l’Institution nationale de garantie des dépôts, ou un membre du conseil d’administration désigné
  • Un juge spécialisé en droit bancaire, financier et droit de l’insolvabilité (nommé par décret avec l’aval du Conseil supérieur de la magistrature)
  • Un avocat spécialisé en droit financier, bancaire et/ou insolvabilité (nommé par décret du Conseil des ministres parmi une liste de trois noms, soumise par la BDL, elle-même basée sur cinq noms proposés par l’Ordre des avocats de Beyrouth)
  • Un expert-comptable ou auditeur spécialisé en comptabilité ou audit judiciaire (nommé par décret du Conseil des ministres, à partir d’une liste de trois noms proposés par le ministre des Finances)

L’avocat et l’expert-comptable serviraient des mandats de cinq ans, renouvelables en fonction des besoins.

Le président de la Commission de contrôle des banques (CCB) — ou son représentant — assisterait aux réunions de la commission à titre consultatif pour présenter certaines recommandations de la CCB liées à ses rapports adressés au président de la commission.

En plus des cinq membres votants, la commission inclurait également un expert en finance, banque ou économie — libanais ou étranger, personne physique ou morale — nommé par le Conseil central de la BDL. Cet expert pourrait assister aux réunions de la commission, sans droit de vote ni prise en compte dans le quorum ou les majorités. Il pourrait émettre un avis consultatif non contraignant.

La commission devra fournir par écrit toutes ses décisions et appliquer des critères stricts pour garantir l’indépendance de ses membres et l’absence de conflits d’intérêts. Aucun membre ne doit avoir été actionnaire dans la banque concernée ou dans une entité affiliée durant les dix années précédant sa nomination. Il ne doit pas non plus avoir siégé à son conseil d’administration, occupé de poste exécutif supérieur, ni agi comme conseiller durant cette période.

De plus, aucun membre ne doit avoir contracté un prêt supérieur à 100.000 dollars auprès de la banque concernée ou de ses entités affiliées, ni y détenir plus de 100.000 dollars en dépôts. Aucune relation de parenté jusqu’au deuxième degré ne doit exister avec un actionnaire important, ni déposant, ni haut responsable de la banque ou de ses entités affiliées. D’autres critères pertinents peuvent également être appliqués s’ils présentent un risque pour l’indépendance, directe ou indirecte.

La commission se réunit sur convocation de son président ou à la demande d’au moins trois de ses membres, notamment lorsqu’un rapport de la CCB est reçu au sujet d’une liquidation ou restructuration bancaire. Le président fixe l’ordre du jour. Les réunions sont considérées valides sur présence d’au moins trois membres. Les décisions sont prises à la majorité des présents; en cas d’égalité, la voix du président prévaut.

Les délibérations de la commission sont confidentielles. Les décisions ne sont rendues publiques que via des rapports ou résolutions signés par le président. Le gouverneur de la BDL préside les réunions de la commission et la représente auprès des tiers. En cas d’empêchement, un vice-gouverneur désigné par lui-même assure l’intérim.

Selon la proposition du gouverneur Karim Saïd, un secrétariat général dédié pourrait être mis en place avec des missions précises. La commission pourrait également faire appel au personnel de la BDL via une unité spécialisée créée à cet effet.

Désormais, tous les regards se tournent vers les prochaines sessions de la commission sur la réforme bancaire. Selon des sources bien informées, une équipe proche du Premier ministre, Nawaf Salam, chercherait à restreindre les pouvoirs de la BDL et de son gouverneur — notamment en insistant sur l’élargissement des prérogatives de la Commission bancaire supérieure et en rejetant les propositions de Saïd. Ce dernier considère que le projet gouvernemental va à l’encontre des principes fondamentaux du Code de la monnaie et du crédit et porte atteinte à l’indépendance de la BDL. En coulisses, certains évoquent même des tentatives de redistribution des équilibres institutionnels à tendance politique ou communautaire, notamment depuis que Saïd, non affilié à aucun courant politique, est à la tête de la Banque du Liban.

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