
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a affirmé mercredi que les forces de l'ordre avaient déjoué une tentative de coup d'État impliquant un ecclésiastique, accusations rejetées par l'un des proches de cet opposant, tandis que se dégradent les relations entre l'Eglise apostolique et le pouvoir.
Selon le Comité d'enquête arménien, l'archevêque Bagrat Galstanian, qui appartient à cette Église, est impliqué dans cette tentative présumée de renversement du pouvoir.
L'an dernier, cet opposant avait pris la tête d'un mouvement de protestation reprochant au Premier ministre arménien d'avoir cédé des territoires à l'Azerbaïdjan voisin.
«Les agents des forces de l'ordre ont déjoué un sinistre plan à grande échelle du +clergé criminel oligarchique+ pour déstabiliser la république d'Arménie et prendre le pouvoir», a écrit, sur Telegram, Nikol Pachinian.
Bagrat Galstanian a, selon le comité d'enquête, «avec l'accord préalable de plusieurs membres du mouvement, acquis les moyens et outils nécessaires pour mener des actes terroristes et prendre le pouvoir».
Depuis novembre 2024, il «s'est donné pour objectif de changer le pouvoir par des moyens qui ne sont pas permis par la Constitution de la République d'Arménie», poursuit cette même source.
«Nikol est un traître»
Des perquisitions sont «en cours» aux domiciles de l'archevêque et d'une trentaine de ses associés, a ajouté le comité d'enquête arménien.
Des images publiées par le média News.am montrent M. Galstanian quitter sa maison, encadré d'agents masqués, qui l'escortent vers une voiture avant de partir.
«Démon, écoute attentivement - quoi que tu fasses, tu n'as plus beaucoup de temps. Attends, nous arrivons», a déclaré Bagrat Galstanian, s'adressant, visiblement, à Nikol Pachinian. En face, la foule scandait: «Nikol est un traître».
Le député Garnik Danielian, proche associé de l'archevêque, a dénoncé, auprès de journalistes, des actions dignes, selon lui, d'un «régime dictatorial» et rejeté les accusations visant l'ecclésiastique.
Une autre figure de l'opposition, Ishkhan Saghatelyan, du parti nationaliste Dashnaktsutyun, a affirmé que la police avait également mené des perquisitions chez des membres de son mouvement.
Vendredi, des membres de l'opposition, issues de Dashnaktsutyun et du mouvement de Bagrat Galstanian, avaient été arrêtés, selon des groupes de défense des droits humains et des partis d'opposition, au moment où le Premier ministre entamait une rare visite en Turquie, ennemi historique de l'Arménie.
Réagissant à l'échec de la tentative présumée de coup d'Etat, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a dit espérer que l'Arménie reste un «pays prospère et ami avec la Russie», où «la légalité» est respectée.
Pays divisé
À partir de la dislocation de l'URSS, l'Arménie a combattu à plusieurs reprises l'armée azerbaïdjanaise pour le contrôle du Karabakh, une région d'Azerbaïdjan qui était alors peuplée en majorité d'Arméniens.
Bakou a finalement repris le plein contrôle de cette zone en septembre 2023, lors d'une offensive victorieuse contre les séparatistes arméniens du Karabakh, entraînant la fuite de dizaines de milliers d'Arméniens vivant dans cette enclave.
Une défaite militaire qui a provoqué des divisions dans le pays.
En juin 2024, l'archevêque Bagrat Galstanian avait mené des manifestations en réaction à la cession de plusieurs villages frontaliers à l'Azerbaïdjan, une mesure défendue par M. Pachinian comme un moyen d'éviter une nouvelle guerre avec Bakou.
M. Galstanian, qui appelait à la démission de Nikol Pachinian, s'était même mis temporairement en retrait de ses fonctions religieuses, pour concourir au poste de Premier ministre. Mais, selon la loi arménienne, sa double nationalité arménienne-canadienne ne lui permettait pas d'occuper une telle fonction.
Dans ce contexte, les relations entre Nikol Pachinian et la puissante hiérarchie ecclésiastique se sont fortement détériorées ces dernières années.
Début juin, le Premier ministre a appelé les fidèles de l'Eglise apostolique à renverser son chef, Garéguine II, qui l'a critiqué à plusieurs reprises sur sa gestion de la crise du Karabakh.
M. Pachinian a même affirmé que Garéguine II avait un enfant, provoquant l'ire de l'opposition qui exigeait l'excommunication du Premier ministre.
Ancien journaliste et élu d'opposition, Nikol Pachinian est arrivé au pouvoir en 2018, à la suite de manifestations dont il avait pris la tête.
L'Arménie, première nation à avoir adopté le christianisme comme religion d'État au IVe siècle, accorde à l'Église apostolique arménienne un statut constitutionnel spécial, et celle-ci exerce une influence considérable dans la société.
Par Mariam HARUTYUNYAN/AFP
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