Le détroit d’Ormuz menacé de fermeture: un enjeu mondial
©Ici Beyrouth

Le Parlement iranien a approuvé, dimanche, une proposition visant à fermer le détroit d’Ormuz, un projet qui doit encore obtenir le feu vert des autorités de sécurité du pays. Cette décision, si elle était appliquée, pourrait provoquer d’importantes perturbations sur le marché mondial de l’énergie et aggraver une situation régionale déjà explosive.

Situé entre le golfe Persique et le golfe d’Oman, ce bras de mer d’à peine 33 kilomètres à son point le plus étroit joue un rôle clé dans le commerce mondial des hydrocarbures. Chaque jour, entre 17,8 et 20,8 millions de barils de pétrole y transitent, ce qui représente plus d’un quart des exportations maritimes mondiales d’or noir, ainsi qu’environ 20% du gaz naturel liquéfié.

Un corridor vital pour l’énergie mondiale

L’Arabie saoudite, l’Iran, les Émirats arabes unis, le Koweït et l’Irak utilisent massivement ce passage pour acheminer leurs ressources. À titre d’exemple, 38% des exportations saoudiennes – quelque 5,5 millions de barils quotidiens – passent par le détroit. Malgré l’existence d’oléoducs contournant cette route, leur capacité cumulée (2,6 millions de barils par jour) reste largement insuffisante pour remplacer le flux actuel en cas de fermeture.

La stabilité énergétique de l’Asie dépend étroitement du détroit d’Ormuz. À lui seul, ce couloir maritime assure le transit de 35% des importations d’hydrocarbures destinées à la région. Pour le Japon et la Corée du Sud, ce goulot d’étranglement est vital. Toute fermeture de ce passage entraînerait des répercussions en cascade sur les marchés régionaux, entre flambée des prix du pétrole, pénuries de carburant et risques d’instabilité économique.

La Chine, premier importateur mondial de brut, serait particulièrement exposée: environ 45% de ses importations pétrolières passent par le détroit. La récente motion du Parlement iranien visant à entraver ce transit – en réaction aux frappes américaines sur des sites nucléaires en Iran – ravive le spectre d’un blocage. La décision finale revient toutefois au Conseil suprême de sécurité nationale iranien, ce qui signifie que la fermeture du détroit n’est pas encore à l’ordre du jour.

Une telle action aurait néanmoins des conséquences immédiates sur les marchés. Les experts estiment qu’un blocage pourrait propulser le baril au-delà des 100 dollars et perturber durablement les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Israël, bien que peu dépendant du Golfe pour son approvisionnement en pétrole – 40 à 60% de son brut provient d’Azerbaïdjan via le pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan –, subirait lui aussi les contrecoups d’une flambée des prix de l’énergie et d’un durcissement des routes maritimes.

Entre menaces et implications internationales

En coulisses, Washington met en garde Téhéran contre une telle initiative, qu’il qualifie de «suicide économique», en raison de la dépendance de l’Iran aux exportations pétrolières transitant par le détroit. Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a d’ailleurs pressé Pékin d’user de son influence pour dissuader Téhéran.

L’Iran a, par le passé, menacé de fermer le détroit d’Hormuz sans jamais aller jusqu’à l’acte. Même au plus fort de la «guerre des tankers» entre l’Iran et l’Irak dans les années 1980, le transit maritime n’a jamais été totalement interrompu. Plus récemment, en avril 2024, la saisie du porte-conteneurs MSC Aries par les Gardiens de la révolution iranienne a illustré la volonté de Téhéran d’affirmer son emprise sur ce couloir stratégique.

Partagé entre l’Iran et Oman, le détroit d’Ormuz fait l’objet de tensions récurrentes. Alors que les pays du Golfe fustigent les «provocations» iraniennes, les États-Unis multiplient les opérations de liberté de navigation. La Cinquième flotte américaine, stationnée à Bahreïn, coordonne une coalition navale multinationale – la Combined Task Force 150 et le dispositif CTF Sentinel – aux côtés d’alliés tels que le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, le Canada et les pays du Golfe pour protéger la navigation commerciale.

Sur le plan juridique, le droit international consacre le statut de «détroit international» au détroit d’Ormuz. L’article 37 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer garantit aux navires civils et militaires le droit de «passage en transit», ce qui interdit à l’Iran de fermer ce couloir, malgré sa non-ratification du texte. Toute entrave ouvrirait la voie à une riposte militaire, à d’éventuelles sanctions du Conseil de sécurité et à une contestation judiciaire sur le plan maritime.

Le secteur de l’énergie serait le premier touché, mais d’autres flux, notamment le vrac sec et les conteneurs, subiraient de plein fouet les conséquences d’un blocage. Cela se traduirait par une hausse des coûts logistiques et des retards dans les chaînes d’approvisionnement globales.

Enfin, les grandes puissances surveillent de près l’évolution de la situation. L’Union européenne a fermement dénoncé toute fermeture du détroit au nom de la stabilité économique mondiale. La Russie, qui défend la souveraineté des États riverains sur les eaux stratégiques, reste en retrait. Quant à l’Inde, son approvisionnement diversifié – en provenance notamment de la Russie et des États-Unis – lui permet de limiter son exposition aux risques de blocage dans le Golfe.

Commentaires
  • Aucun commentaire