Yvon Lambert: du marché de l’art aux livres rares
Yvon Lambert pose dans sa librairie à Paris lors d’une séance photo le 18 juin 2025. ©Joel SAGET / AFP

À 89 ans, Yvon Lambert a troqué les cimaises des galeries pour les rayonnages de livres d’art. Ce pionnier de l’art contemporain continue de transmettre sa passion en éditant des ouvrages précieux et rares.

La carrière de galeriste d’Yvon Lambert est derrière lui, ayant laissé une trace profonde dans l’art contemporain. Celle d’éditeur est devant, avec des ouvrages qui vont de 5 à 5 500 euros.

À 89 ans, cet enfant du bourg de Vence (Alpes-Maritimes), venu à l’art parce qu’après-guerre, les plus grands peintres arpentaient l’arrière-pays niçois, passe des journées remplies dans sa librairie-galerie du Marais, à Paris.

Quel artiste vivant mettre en valeur ? Quel objet unique proposer aux bibliophiles ? Il continue de se poser la question depuis une trentaine d’années.

«Mes livres, c’était une passion privée. Je les vendais surtout à des amis, des curieux qui les achetaient dès qu’ils sortaient. Donc ce n’est pas du tout connu», explique-t-il à l’AFP. «Galeriste, on vend l’œuvre, on essaye de la mettre en valeur. Éditeur, c’est un processus de fabrication. Mais ça se rejoint. Je n’hésite pas à dire aux gens : posséder un tableau, posséder un livre, c’est un plaisir solitaire. Ce qui les fait sourire.»

Les artistes sont ceux qu’on retrouve dans ses acquisitions, exposées depuis 2000 dans un musée d’Avignon, la Collection Lambert.

Certains ouvrages ont vu leur valeur s’envoler, comme Die Ungeborenen d’Anselm Kiefer, plasticien allemand réputé pour ses paysages de ruines aux tons gris, publié en 2002.

«Je demandais cher à l’époque, 1 500 euros. Ils se vendent maintenant à je ne sais pas combien sur le marché secondaire. Je n’en ai plus», remarque l’éditeur.

L’exemplaire numéroté 1, proposé aux enchères en 2022, est parti pour 25 200 euros.

« L’artiste est exigeant » 

C’est ce genre de spéculation qui avait poussé le galeriste à délaisser le métier, en 2014, lorsqu’il avait commencé à voir trop d’acheteurs se soucier de la valeur future de revente des œuvres. Pour lui, cette question dévoie le sens de l’art.

Son ouvrage encore en stock au prix le plus élevé vient de sortir, mi-juin: 5 500 euros pour une édition du Bestiaire de Guillaume Apollinaire illustrée par 24 lithographies de Miquel Barceló. Peut-être ne vaudra-t-il jamais plus. Peut-être la cote va-t-elle décoller.

Mais le prix neuf de ce livre, dans un coffret en bois avec toile imprimée et marquée au fer à chaud par l’artiste espagnol en personne, paraît complètement justifié à Yvon Lambert. «Le tirage est restreint. L’artiste est connu, l’artiste est cher, l’artiste est exigeant», énumère-t-il.

Yvon Lambert ne se voit que comme le continuateur d’une longue tradition ayant donné des chefs-d’œuvre de bibliophilie en France au siècle dernier. «Le premier, c’était Ambroise Vollard, en 1900, qui a fait un livre avec des poèmes de Verlaine et des illustrations de Bonnard. Il a révolutionné le livre. Picasso en a fait je ne sais pas combien, comme Matisse, Miró, Léger... Ce sont des choses qui se vendent très cher aujourd’hui, ou qu’on ne trouve pas.»

Chez les bibliophiles, certains clients restent fidèles. «J’ai quelques personnes qui m’ont acheté le premier livre le premier jour et qui achètent toujours. C’est un compagnonnage, à ce niveau-là», explique l’ancien galeriste. «Il y en a certains qui ont toujours le même numéro. C’est réservé pour eux. Je leur dis: si vous ne voulez pas, vous le laissez. Mais ce serait dommage d’interrompre la collection!»

Par Hugues HONORE / AFP

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