Le Premier ministre arménien arrivé en Turquie pour une visite «historique»
Nikol Pachinian en Turquie pour discuter de la stabilité régionale avec Erdogan ©AFP

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian est arrivé vendredi à Istanbul dans le cadre d’une très rare visite en Turquie, ennemi historique de son pays depuis plus de 100 ans, avant une rencontre «dans la soirée» avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Ce déplacement en Turquie, le deuxième seulement depuis son arrivée au pouvoir en 2018, est qualifié par Erevan d’étape «historique» vers la paix dans la région, alors que l’Arménie et la Turquie n’ont jamais établi de relations diplomatiques et que leur frontière commune est fermée depuis les années 1990.

«Le Premier ministre Nikol Pachinian est arrivé en Turquie pour une visite de travail», a déclaré sa porte-parole Nazeli Baghdasarian dans un communiqué publié sur Facebook.

L’entretien prévu entre le dirigeant arménien et le président turc, qui est à l’initiative de cette visite, aura lieu «dans la soirée», a-t-elle précisé.

Les services de M. Pachinian ont publié une vidéo de son arrivée sur le tarmac à Istanbul, avec plusieurs drapeaux arméniens et turcs hissés côte à côte sous un grand soleil.

Le président du parlement arménien, Alen Simonian, avait qualifié plus tôt cette semaine ce déplacement d’«historique», durant lequel «toutes les questions régionales seront discutées».

Les relations sont historiquement tendues entre Ankara et Erevan en raison de massacres de masse d’Arméniens dans l’Empire ottoman à l’époque de la Première Guerre mondiale.

L’Arménie, pour qui jusqu’à 1,5 million de personnes sont mortes entre 1915 et 1916, qualifie ces atrocités de génocide, un terme reconnu à ce jour par 34 pays, dont les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Brésil et la Russie.

Pour sa part, la Turquie rejette formellement ce terme et estime le nombre de morts arméniens à entre 300.000 et 500.000.

Soutien turc à Bakou 

Plus récemment, Ankara a soutenu son proche allié, l’Azerbaïdjan, dans son conflit de longue date avec l’Arménie pour le contrôle de la région montagneuse du Karabakh.

Le Karabakh est reconnu internationalement comme faisant partie de l’Azerbaïdjan, mais a été contrôlé pendant trois décennies par des séparatistes arméniens après une guerre qu’ils avaient remportée à la dislocation de l’URSS et qui avait provoqué l’exode de la quasi-totalité des Azerbaïdjanais y habitant.

Bakou a repris partiellement cette enclave lors d’une nouvelle guerre à l’automne 2020, puis entièrement lors d’une offensive éclair en septembre 2023, provoquant à son tour la fuite de plus de 100.000 Arméniens du Karabakh.

Jeudi, à la veille de la visite de M. Pachinian, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev s’était lui aussi rendu en Turquie pour s’entretenir avec M. Erdogan, qualifiant le partenariat entre leurs deux pays de «facteur important non seulement au niveau régional, mais aussi mondial».

Le président turc, pour sa part, a répété son souhait de voir «s’établir la paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie».

Un responsable de la diplomatie arménienne a indiqué à l’AFP que MM. Pachinian et Erdogan devaient discuter vendredi des efforts pour signer un traité de paix global entre Erevan et Bakou. La guerre entre l’Iran et Israël est aussi au programme de leurs échanges.

 Normalisation des relations 

D’après Alen Simonian, «les risques de guerre (avec l’Azerbaïdjan) sont actuellement minimes, et nous devons travailler à les neutraliser», avait-il estimé, en assurant que la visite de Nikol Pachinian en Turquie représentait «un pas dans cette direction».

En mars, Bakou et Erevan avaient annoncé s’être entendus sur un «accord de paix», mais le texte n’a toujours pas été signé, l’Azerbaïdjan ayant dressé une liste de demandes qu’il exhorte l’Arménie à remplir au préalable.

Dans ce contexte diplomatique favorable, M. Pachinian cherche activement à normaliser les relations avec Bakou et Ankara.

Plus tôt cette année, il a annoncé que l’Arménie mettrait fin à sa campagne pour la reconnaissance internationale des massacres d’Arméniens en tant que génocide – une concession majeure à la Turquie qui a suscité de nombreuses critiques dans son pays.

En 2023, Nikol Pachinian avait assisté à l’investiture de Recep Tayyip Erdogan à Ankara, son unique voyage en Turquie jusqu’à aujourd’hui, un an après la reprise des vols commerciaux entre les deux pays après une pause de deux ans.

Ce rapprochement souhaité reste malgré tout incertain : un précédent accord de 2009 visant à ouvrir la frontière n’a jamais été ratifié par l’Arménie, avant d’être abandonné en 2018.

Avec AFP

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