Le Liban fait la sieste pendant que le monde brûle
©Ici Beyrouth

Pendant que l’Iran et Israël s’envoient drones, missiles, menaces et contre-menaces, pendant que les chancelleries bruissent, que les analystes s’échauffent et que la guerre psychologique bat elle aussi son plein, un petit pays en bord de Méditerranée continue de faire ce qu’il fait de mieux: rien.

Le Liban, pays en lambeaux, avec un État par intermittence, semble ne pas avoir remarqué qu’il est assis sur un baril de poudre, la mèche déjà allumée. Le monde entier s’inquiète d’un embrasement régional? À Beyrouth, on se demande surtout si l’horaire des commissions parlementaires est correct et si les nominations administratives sont un grand ou un très grand succès.

Pendant ce temps, les missiles iraniens passent et sont abattus tranquillement au-dessus de nos têtes. Que fait l’État? Rien.

Et le Hezbollah, dans tout ça? Il menace, bien sûr. Il prévient qu’il interviendra «au moment opportun», que la «résistance» est prête, que la guerre contre l’Iran est une attaque contre le Liban. Des responsables iraniens affirment, sans la moindre gêne, que le Hezbollah pourrait entrer dans la bataille. Brillant. C’est dire, en passant, la capacité de décision autonome de la milice pro-iranienne. L’émissaire américain Tom Barrack arrivé ce matin au pays de la belle au bois dormant, a beau expliquer que l’entrée du Hezbollah dans le conflit serait une «très mauvaise décision», le Liban officiel trace et croit encore au prince charmant. Sa réponse: Israël doit se retirer des cinq collines du sud.

Soit, très bien. Mais si demain matin les Israéliens décident d’aller s’installer dans le Akkar, pour repousser le Hezbollah au-delà de l’Oronte cette fois, on fait quoi?

Si le Liban est une nouvelle fois entraîné dans la destruction par l’aveuglement messianique de certains jusqu’au-boutistes, on fait quoi?

Ah oui, l’État? Je l’oubliais. Sa position devant la menace d’entraîner le pays dans la folie: silence radio. Il regarde ailleurs, très concentré sur son incompétence. On pourrait croire qu’une organisation armée qui promet de déclencher une guerre totale depuis le sol libanais mériterait au moins une petite réprimande. Mais non. Pas même un haussement de sourcil.

Toute la planète répète que le Hezbollah doit rendre ses armes. Les Libanais en ont assez de vivre au bord de la falaise, otages d’un agenda qui n’est pas le leur. Mais l’État, lui, continue à fredonner son mantra préféré: le dialogue. Une illusion consensuelle, un écran de fumée derrière lequel on enterre toute volonté d’agir.

Alors que la région explose, que les missiles tombent, que les prémices d’une guerre totale se précisent, l’État libanais, lui, continue de tendre la main… et de se faire marcher dessus.

Ce n’est plus de la résilience. C’est de l’abandon.

Et pendant que la diplomatie mondiale s’agite pour éviter le point de non-retour, l’État libanais, lui, continue de faire la sieste, bercé par les bruits de bottes à ses frontières.

Il se réveillera peut-être. Un jour. S’il reste quelque chose à gouverner.

 

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