Qui sont les Gardiens de la révolution, dans le viseur d’Israël?
Des troupes du Corps des gardiens de la révolution islamique à leur parade annuelle, à Téhéran, le 22 septembre 2014. ©AFP

Dans le cadre de son opération «Rising Lion», destinée à mettre un terme au programme nucléaire iranien, Israël a frappé un coup dur contre le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). Au moins cinq hauts responsables de cette organisation ont été tués, dont son commandant en chef, le général Hossein Salami.

Cette opération – qui vise également le programme de missiles balistiques développé en grande partie par le CGRI – a permis, selon l’armée israélienne, de détruire un tiers des lanceurs de missiles sol-sol de l’Iran. «Plus de 50 avions de chasse et appareils militaires ont mené des frappes ciblées et détruit plus de 120 lanceurs de missiles sol-sol, ce qui représente un tiers des capacités de lancement de ce type détenues par le régime iranien», a déclaré lundi le général Effie Defrin, porte-parole de l’armée israélienne.

Alors que les Gardiens de la révolution se retrouvent plus que jamais au centre de l’actualité internationale, une question se pose: qui sont ces soldats d’élite, et quelles sont réellement leurs capacités?

«Lutter contre l’ennemi intérieur et extérieur»

Les Gardiens de la révolution islamique, également appelés Pasdarans, sont une force militaire et idéologique fondée en 1979, quelques mois après la proclamation de la République islamique d’Iran par l’ayatollah Khomeini. Créés pour défendre le régime, ces soldats d’oppression sont placés sous les ordres directs du Guide suprême.

Leur mission: protéger la République islamique et «sauvegarder les acquis de la révolution en luttant contre l’ennemi intérieur et extérieur». C’est dans cette logique qu’ils ont été au cœur des répressions sanglantes menées contre les mouvements de contestation à l’intérieur du pays, mais aussi des actions militaires dans la région, comme le lancement de missiles contre Israël, qualifié par le régime d’«ennemi à rayer de la carte».

Une structure militaire ramifiée 

Leur puissance ne réside pas dans leur nombre. Contrairement à l’armée régulière iranienne (Artesh), qui compte environ 420.000 soldats, les Gardiens de la révolution forment une structure parallèle, comptant selon l’US Defense Intelligence Agency (DIA), environ 190.000 membres actifs, répartis en plusieurs branches: les forces terrestres (150.000 personnes), navales (20.000) et aérospatiales (15.000). À cette force s’ajoute la milice des Basij, un groupe paramilitaire affilié, composé de volontaires, ce qui porte ainsi l’effectif total à environ 640.000 hommes.

Parmi leurs unités les plus emblématiques figure la force Al-Qods, une division d’élite forte d’environ 5.000 combattants, spécialisée dans les opérations extérieures. Cette force joue un rôle central dans la projection de l’influence iranienne au Moyen-Orient, notamment au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen.

Exporter la révolution

Leur influence s’est fortement accrue à partir de la guerre Iran-Irak (1980-1988), un conflit durant lequel les Pasdarans ont acquis expérience, légitimité et pouvoir. Au fil des décennies, ils ont élargi leur champ d’action au-delà des frontières iraniennes, imposant peu à peu leur mainmise sur plusieurs pays arabes, et en exportant l’idéologie révolutionnaire du régime chiite iranien. Dans ce cadre, ils ont soutenu, armé, encadré et fourni une assistance en matière de renseignement à de nombreux groupes armés alliés, jouant un rôle central dans la constitution d’un arc chiite pro-iranien au Moyen-Orient.

Plus qu’une force militaire

Au-delà de leur rôle militaire, les Pasdarans sont devenus un acteur central de la vie politique, économique et énergétique de l’Iran. Ils contrôlent de vastes pans de l’économie nationale et exercent une influence sur les décisions politiques du régime.

À travers leur conglomérat Khatam al-Anbia, ils dominent le secteur de la construction, avec plus de 1.700 contrats gouvernementaux à leur actif. Dans les télécommunications, ils détiennent des parts majeures dans des entreprises stratégiques telles qu’Etemad-e-Mobin, qui est, depuis 2009, actionnaire majoritaire de la Telecommunication Company of Iran. Leur emprise s’étend jusqu’aux infrastructures de transport, notamment les aéroports: ils contrôleraient près de la moitié des aéroports du pays, dont l’aéroport international de Téhéran.

Un épisode marquant illustre cette mainmise: au début des années 2000, alors que le gouvernement du président Mohammad Khatami prévoyait de confier l’exploitation de cet aéroport à une entreprise turque, les Pasdarans ont menacé d’interdire le décollage et l’atterrissage des avions si la concession ne leur était pas attribuée, démontrant leur capacité à imposer leur volonté face au pouvoir.

Leur influence s’étend aussi au secteur bancaire, via la Mehr Economic Institution, qui compte 700 agences et 8 millions de clients, ainsi qu’à l’industrie pétrochimique, avec des participations dans Zagros Petrochemicals et Pars Petrochemical Company. Selon des estimations rapportées par des experts du Jerusalem Post, ils contrôleraient plus de 57% des importations du pays et environ 30% des exportations non pétrolières. Cette puissance économique leur permet également de contourner les sanctions internationales, grâce à un vaste réseau de contrebande et de sociétés-écrans.

Dans le secteur énergétique, les Pasdarans géreraient jusqu’à 50% des exportations pétrolières de l’Iran, principalement à destination de la Chine, en utilisant une flotte de pétroliers fantômes et des réseaux offshore.

Par ailleurs, quatorze institutions financières sont aujourd’hui sous le contrôle direct des Gardiens de la révolution et du Guide suprême Ali Khamenei. Ces centres de pouvoir économique jouent un rôle clé dans le pillage systématique de l’économie iranienne et servent à financer les activités du CGRI ainsi que ses filiales. Ces informations sont tirées du livre The Rise of the Revolutionary Guards’ Financial Empire [«La montée de l’empire financier des Gardiens de la révolution»], publié par le Bureau de représentation du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) aux États-Unis.

Enfin, leur pouvoir s’étend jusqu’au sommet de l’État: les Pasdarans ont toujours occupé des postes clés au gouvernement, au Parlement ou dans des institutions publiques.

Classée comme organisation terroriste par Washington

En 2019, les États-Unis ont inscrit les Gardiens de la révolution sur la liste noire des organisations terroristes étrangères. Washington les accuse d’avoir commandité des attentats à l’étranger, de soutenir des groupes islamistes hostiles à Israël.

C’est dans cette logique que l’administration Trump a revendiqué l’assassinat ciblé de Qassem Soleimani, ancien commandant en chef de la force Al-Qods. Il a été tué par une frappe de drone américain à Bagdad, le 3 janvier 2020, une opération qui avait considérablement intensifié les tensions entre Téhéran et Washington.

«Rising Lion», dernier clou dans leur cercueil?

 Après les revers subis par le Hamas, le Hezbollah, puis la chute du régime syrien, l’opération «Rising Lion» apparaît comme le coup de grâce porté à l’axe chiite pro-iranien. En visant et en décapitant la hiérarchie du Corps des gardiens de la révolution islamique, Israël s’attaque au cœur du système de projection de puissance de Téhéran. Pour l’État hébreu, affaiblir durablement les Pasdarans est devenu un objectif stratégique central.

 

 

 

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