Nucléaire: accepter ou périr, le péril iranien
Une photo fournie par le bureau du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, le montre en train de saluer lors d'une cérémonie à l'occasion du 36e anniversaire de la mort de l'ayatollah Ruhollah Khomeini, à Téhéran le 4 juin 2025. ©KHAMENEI.IR/AFP

Depuis sa prise de fonction en tant que président des États-Unis, Donald Trump a fait du nucléaire iranien une de ses priorités. Entre menaces et appel à la négociation, il a maintenu la pression sur les dirigeants iraniens, plutôt rétifs à la signature d’un nouvel accord à la suite de l’échec de l'accord de Vienne de 2015.

Mais les frappes israéliennes sur des installations nucléaires iraniennes vendredi, à l’aube, pourraient changer la donne.

L’ombre de l’accord de 2015

Engagés dans une course contre la montre, les États-Unis et l’Iran tentent chacun de sauvegarder leurs intérêts respectifs.

Pour les États-Unis, au-delà de leur refus que l’Iran se dote de l’arme nucléaire, ils souhaitent également parvenir à un nouvel accord plus contraignant, avant l’expiration de l’accord de 2015, le 18 octobre 2025, soit dix ans après son entrée en vigueur.

Après cette date, il ne sera plus possible d’appliquer le mécanisme du snapback, c'est-à-dire le rétablissement automatique des sanctions internationales (non-américaines) prévues dans six résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.

En outre, théoriquement, toutes les sanctions et restrictions restantes liées au programme nucléaire iranien, y compris celles concernant les activités nucléaires et les transferts sensibles, seront levées. Cela inclut notamment les restrictions sur l'enrichissement d'uranium, le stock d'uranium enrichi et l'utilisation de certaines centrifugeuses avancées.

De son côté, l’Iran souhaite dépasser cette date en donnant l’illusion qu’il est prêt à négocier pour éviter le rétablissement des sanctions.

Car, outre les sanctions européennes, l’accord obligerait théoriquement la Chine et la Russie à appliquer celles-ci, ce qui pourrait impacter davantage l’économie iranienne, notamment en termes de financements, pour les technologies sensibles et pour l’exportation de pétrole, très importante pour l’Iran.

Bien que la Russie et la Chine contestent le mécanisme du snapback – d’autant plus depuis le retrait unilatéral des États-Unis en 2018 sous l’administration Trump –, elles cherchent à éviter un durcissement des sanctions et des pressions diplomatiques.

Ce qui les inciterait potentiellement à réduire leur coopération et à passer par des canaux plus informels, et donc limiterait les grands projets entre l’Iran et ces deux pays.

Impact des frappes israéliennes

En mars, Donald Trump avait posé dans une lettre adressée à Téhéran un ultimatum de deux mois pour parvenir à un accord. Des menaces qui prennent tout leur sens ce vendredi avec les frappes israéliennes menées par 200 avions militaires contre une centaine de cibles en Iran, selon Israël. Parmi les cibles, l'important site d'enrichissement d'uranium de Natanz, dans la province d'Ispahan.

En outre, le général Hossein Salami, chef des Gardiens de la révolution, le chef d'état-major iranien, le général Mohammad Bagheri, et six scientifiques du programme nucléaire iranien ont été tués dans les frappes.

La veille, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) avait voté une résolution déclarant que l'Iran ne respecte pas ses obligations en matière de non-prolifération nucléaire. En réponse, l’Iran avait annoncé son intention d'ouvrir une nouvelle usine d'enrichissement de l'uranium et d'augmenter la production de matières fissiles enrichies.

Selon l’AIEA, l’Iran enrichirait actuellement son uranium à 60%, soit loin des seuils autorisés par l’accord de 2015. Pour rappel, la fabrication de l’arme nucléaire nécessite un enrichissement à 90%.

Le même jour, Donald Trump avait appelé Israël à faire preuve de retenue face à l’Iran, affirmant privilégier la voie diplomatique, à l’approche du sixième round de pourparlers, prévu dimanche à Mascate.

Après les frappes israéliennes, Donald Trump a exhorté l’Iran à «conclure un accord avant qu'il ne reste plus rien», prévenant que les «prochaines attaques» seraient «encore plus brutales».

Dans un long message sur son réseau Truth Social, il a affirmé avoir donné à l'Iran «opportunité après opportunité de conclure un accord».

«Je leur ai dit que cela serait bien pire que tout ce qu'ils avaient connu, anticipé ou qu'on leur avait dit, que les États-Unis fabriquent les meilleurs équipements militaires et les plus destructeurs au monde, DE LOIN, et qu'Israël en a beaucoup, et que beaucoup d'autres vont encore arriver, et qu'ils savent comment les utiliser», a-t-il poursuivi.

Selon le président américain, «certains Iraniens de la ligne dure ont parlé avec courage, mais ils ne savaient pas ce qui allait arriver. Ils sont tous MORTS maintenant, et cela ne va faire qu'empirer!».

«Plus de mort, plus de destruction, FAITES-LE AVANT QU'IL NE SOIT TROP TARD», conclut-il.

Des déclarations qui laissent peu de doute quant aux intentions américaines, prêtes à soutenir Israël dans des frappes meurtrières en Iran s’ils n’acceptent pas les conditions américaines.

Le dilemme iranien

De son côté, l’Iran a réagi avec force face aux frappes israéliennes. Le ministère iranien des Affaires étrangères a qualifié l'attaque de «déclaration de guerre», et appelé le Conseil de sécurité de l'ONU à réagir.

Le président iranien, Massoud Pezeshkian, a estimé que Téhéran allait «faire regretter à son ennemi» cette attaque, et les forces armées iraniennes ont averti qu'elles n'auraient «pas de limites» dans leur riposte. Enfin, l’ayatollah Ali Khamenei a promis un sort «douloureux» à Israël.

Si ces déclarations appellent avec force à la vengeance, l’Iran se trouve dans les faits dans une position très délicate. En effet, il serait très difficile pour lui d’accepter les conditions imposées par Donald Trump qui reviendraient, grosso modo, au démantèlement total de leur programme nucléaire, tout en ne garantissant pas forcément un arrêt des menaces américaines, et surtout israéliennes avec un Premier ministre va-t-en-guerre comme Benjamin Netanyahou.

Mais refuser l’accord revient à prendre le risque d’une destruction de leurs installations nucléaires, ainsi que de leur appareil sécuritaire, voire de leur industrie de défense, ce qui pourrait provoquer à terme la chute du régime. Autrement dit, même s’ils peuvent s’engager dans une guerre ouverte avec Israël et répondre coup sur coup, l’avenir de l’Iran tel qu’on le connait aujourd’hui est profondément menacé.

Ainsi, entre accepter l’accord ou périr, nul ne sait encore quel choix prendront les autorités iraniennes, qui en assumeront quoi qu’il en soit les conséquences.

 

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