Visa américain: le casse-tête des étudiants libanais
©Ici Beyrouth

Nouveau coup de massue pour les étudiants internationaux souhaitant poursuivre leurs études aux États-Unis. L’administration Trump a suspendu, mardi dernier, jusqu’à nouvel ordre, les entretiens pour les nouveaux visas étudiants ainsi que les programmes d’échange. Cette décision, émanant du Département d’État et signée par son secrétaire Marco Rubio, vise à renforcer les contrôles de sécurité, notamment à travers une analyse systématique des réseaux sociaux des demandeurs.

Officiellement, cette suspension s’inscrit dans la continuité de la politique migratoire stricte menée par l’administration américaine. Le Département d’État affirme qu’elle a pour objectif de protéger la sécurité nationale, incitant ainsi les futurs étudiants à se préparer à des vérifications particulièrement rigoureuses.

Cette mesure devait s'appliquer immédiatement aux «étrangers qui entrent ou tentent d'entrer aux États-Unis pour commencer à participer» à des programmes universitaires. Elle devait rester en vigueur pendant six mois, sauf prolongation, selon le président américain.

Mais jeudi, l’université de Harvard a contesté cette mesure devant les tribunaux, affirmant qu’elle faisait partie «d'une campagne concertée, allant crescendo, de représailles» contre l’institution qui «refuse de céder aux pressions du gouvernement». La justice américaine a ainsi suspendu la mesure, révélant un véritable bras de fer entre la Maison Blanche, le système judiciaire et les étudiants internationaux.

Un climat d’incertitude et de tension règne désormais, d’autant plus que de violentes manifestations se poursuivent pour la cinquième journée consécutive à Los Angeles, contre les expulsions de migrants sans papiers. 

Quid des étudiants libanais?

Chaque année, près de 2.000 étudiants libanais poursuivent leurs études aux États-Unis, notamment dans des domaines comme la médecine. Ces étudiants sont directement concernés par les récentes décisions.

Il convient tout d’abord de distinguer les deux principaux types de visas: le B1/B2, pour les séjours de courte durée (affaires ou tourisme), et le J1, destiné aux programmes d’échange éducatif ou culturel, souvent plus longs et soumis à des conditions spécifiques. La décision de l’administration Trump ciblerait en priorité les visas J1.

Le cas de Joe, accepté, d’autres recalés

Joe, étudiant en sixième année de médecine à la Lebanese American University (LAU), a récemment obtenu un visa B1/B2 pour se rendre aux États-Unis en juillet 2025 afin de suivre des cours optionnels pendant trois mois. Il précise cependant que plusieurs de ses camarades ont vu leur demande rejetée, pour des raisons variées: erreurs administratives (documents manquants), entretiens jugés peu convaincants par les agents consulaires, ou surtout, absence de garanties claires quant à leur retour au Liban, ce qui fait craindre une volonté de rester aux États-Unis de manière permanente.

Mohammad espère obtenir un visa J1

Mohammad, étudiant en quatrième année de médecine à la LAU, lui, a postulé pour un visa J1, mieux adapté à son programme de formation dans un hôpital américain. L’été dernier, il avait déjà effectué un séjour de trois mois aux États-Unis avec un B1/B2 (considéré comme visa touristique) pour suivre des cours optionnels – séjour préalable avant une demande de J1. Cette année, il espère obtenir ce visa plus formel et structuré. Son dossier comprend plusieurs éléments solides: un contrat officiel de l’université américaine, une lettre précisant la durée exacte du séjour (un an, renouvelable), le formulaire DS-2019 (Certificate of Eligibility for Exchange Visitor Status) et une preuve écrite de son intention de retour au Liban, fournie par le ministère libanais de l’Éducation – document essentiel pour rassurer les autorités consulaires américaines.

Malgré les nouvelles restrictions, Mohammad reste confiant: «La clarté de mon projet et la solidité de mon dossier devraient me permettre d’obtenir ce visa.»

L’ambarras du choix

Selon un étudiant en médecine de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), qui a souhaité garder l’anonymat, la plupart des diplômés de son université optent pour deux principaux choix: rester au Liban pour poursuivre leur formation, ou partir aux États-Unis pour un post-doctoral research fellowship, soit une recherche postdoctorale d’un à deux ans dans des centres académiques. Cette étape est essentielle pour accéder ensuite à un programme de résidence via le processus du Match.

«Ces deux années de recherche sont cruciales pour notre parcours. La majorité d’entre nous utilise un visa J1, mais aujourd’hui, nous sommes bloqués à cause des retards ou des restrictions», explique-t-il.

Actuellement, ces étudiants vivent dans une grande incertitude. «L’université ne peut pas faire grand-chose, si ce n’est nous encadrer et nous aider à bien préparer nos dossiers de candidature. Si nous n’obtenons pas nos visas à temps, nous risquons tout simplement d’être remplacés», ajoute-t-il.

L’ambassade des États-Unis redouble de vigilance

Sollicité par Ici Beyrouth, un responsable du Département d’État américain indique que l’ambassade des États-Unis applique des critères de sécurité plus stricts dans le processus de délivrance des visas. Il précise que les étudiants souhaitant obtenir un visa peuvent toujours soumettre leur demande, et que les sections consulaires ajustent en permanence leurs plannings afin de disposer du temps nécessaire pour examiner minutieusement chaque dossier.

Et les étudiants libanais qui se trouvent aux États-Unis?

Dans un entretien accordé à la chaîne américaine CNN, Abdallah Shahid Sial, étudiant de 20 ans et coprésident du corps étudiant de Harvard, déclare qu’«en ce moment, c’est la panique totale. Les étudiants n’ont aucune idée de ce qu’ils vont faire». Il souligne que «nombre d’entre eux, âgés de 19 ou 20 ans, sont seuls aux États-Unis et que leurs familles n’ont parfois jamais mis les pieds sur le territoire américain».

Un étudiant libanais en troisième année, interrogé sous couvert d’anonymat par Ici Beyrouth, évoque avant tout un sentiment d’«incertitude», lié aux «changements constants dans les décisions de Donald Trump». Alors qu’il prévoyait initialement de passer l’été au Liban, il a préféré rester aux États-Unis, par crainte qu’une décision défavorable ne l’empêche de revenir et ne le contraigne à rester bloqué au Liban.

Harvard et les étudiants internationaux

Selon son site officiel, Harvard accueille environ 6.700 étudiants internationaux, soit 27% de son effectif total. Classée parmi les meilleures universités du monde, avec 162 lauréats du prix Nobel parmi ses anciens étudiants et professeurs, elle incarne l’attractivité du système universitaire américain.

Ces chiffres illustrent à quel point les étudiants internationaux – y compris les Libanais – jouent un rôle central dans l’enseignement supérieur aux États-Unis, aujourd’hui mis à l’épreuve par des décisions politiques aux conséquences profondes.

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