
L’hypertension artérielle (HTA), longtemps considérée comme une maladie d’adultes, gagne du terrain chez les enfants et les adolescents.
L’hypertension artérielle n’est plus une maladie d’adultes. De plus en plus de jeunes en sont affectés. Les causes sont diverses.
Selon Zeina Kadri, professeure en cardiologie et cheffe des soins intensifs cardiaques à l’Hôtel-Dieu de France, «l’HTA chez les adultes débute souvent dès 35 ans, le plus souvent sans cause secondaire. Elle est dans ce cas, d’origine héréditaire».
Chez les mineurs, la problématique est différente. Avant l’âge de 18 ans, on ne parle pas d’hypertension héréditaire mais d’une HTA secondaire à un autre trouble, assure Kadri.
Les causes dans ce cas sont multiples. «Les pathologies principales responsables de l’hypertension chez les mineurs, sont soit une coarctation de l’aorte, soit des maladies des artères rénales», explique-t-elle.
La coarctation de l’aorte est un rétrécissement d’une partie de cette principale artère du corps. Le cœur doit alors pomper plus fortement pour faire circuler le sang à travers l’aorte et le distribuer au reste du corps.
Dr Kadri évoque une troisième cause qui pourrait être «d’origine endocrinienne, liée à des problèmes des glandes surrénales ou des glandes thyroïdiennes».
Obésite et surpoids
Mais depuis quelque temps, un autre facteur a émergé comme une des causes majeures de l’HTA chez les jeunes. Il s’agit du mode de vie. Zeina Kadri précise: «Ces dernières années, dans 85 % des cas, l’HTA n’est plus liée à une maladie sous-jacente, mais à l’obésité». Elle continue: «Elle devient même chez les plus jeunes une hypertension essentielle plutôt que secondaire».
Le manque d’activité physique, la qualité de l’alimentation et la consommation excessive de sel sont autant de facteurs qui favorisent cette maladie.
Cependant, malgré l’augmentation du taux d’obésité chez les jeunes, l’hypertension reste rare chez les moins de 18 ans.
La pression du diagnostic
Maux de tête, vertiges, fatigue, palpitations, saignements de nez, troubles visuels, essoufflement, bourdonnements d’oreilles: autant de signes qui doivent alerter. Mais parfois, l’HTA se manifeste sans aucun signe. Comment confirmer ce diagnostic alors?
Zeina Kadri explique: «Pour un enfant de moins de 16 ans, on utilise un normogramme adapté selon l’âge, le sexe, la taille et le poids pour déterminer s’il est hypertendu. À partir de 16 ans, un jeune avec une tension supérieure à 130/85 est considéré comme hypertendu».
Elle précise toutefois que le diagnostic est complexe: «Avant de confirmer une hypertension chez un mineur, plusieurs tests sont nécessaires. Une seule mesure élevée chez le cardiologue ne suffit pas. Il faut prendre la tension à plusieurs reprises, parfois utiliser un holter rythmique à domicile (un petit appareil qui enregistre l’activité électrique du cœur sur 24 heures ou plus), multiplier les consultations avec le pédiatre ou le cardiologue, et réaliser des bilans rénaux si besoin».
Assassin silencieux
Appelée «Silent Killer» (meurtrier silencieux), l’hypertension artérielle reste une menace invisible pour les jeunes, surtout lorsqu’elle est sans symptômes apparents. D’où l’importance de commencer le traitement dès que le diagnostic est confirmé.
«Avant d’envisager toutefois un traitement médicamenteux, on privilégie d’abord une approche hygiéno-diététique», souligne la cardiologue.
Cette méthode inclut une heure d’activité physique par jour, une réduction drastique des aliments gras et salés, pas plus de 2,5 grammes de sel par jour, une perte de poids en cas de surpoids et une surveillance régulière de la tension.
«Ce n’est que lorsque toutes ces mesures s’avèrent inefficaces que l’on passe aux médicaments. Et même là, on utilise les mêmes familles de traitements que pour l’adulte, tout en évitant dans la mesure du possible les bêtabloquants», précise-t-elle. Ces derniers agissent en bloquant l’effet de l’adrénaline sur le cœur et les vaisseaux, mais sont moins fréquemment prescrits chez les plus jeunes.
Prévenir les complications, préserver la vie
Les effets secondaires des traitements antihypertenseurs chez les adolescents sont généralement bénins, surtout comparés aux risques d’une tension élevée non prise en charge. «Il y a un véritable danger vital, en particulier dans les cas d’hypertension secondaire», avertit la professeure Zeina Kadri. «Les dégâts peuvent être catastrophiques sur les organes de l’enfant comme le cœur, le cerveau, les reins, les yeux, si la cause n’est pas traitée immédiatement», met-elle en garde.
Commencer un traitement jeune peut même améliorer considérablement le pronostic. «Prescrire un traitement à un adolescent, c’est prolonger son espérance et sa qualité de vie. On évite ainsi des complications bien plus graves et plus coûteuses à long terme», insiste-t-elle.
Une tension non stabilisée perturbe d’ailleurs profondément la vie de l’enfant au quotidien: fatigue, troubles cognitifs, isolement… la scolarité et la vie sociale en pâtissent. C’est pourquoi l’accompagnement de l’entourage est essentiel. «La famille et l’école ont un rôle crucial», souligne la cardiologue. «Il faut instaurer une culture du sport à la maison, suivre un plan nutritionnel, surveiller la tension au moins une fois par semaine, et s’assurer que le traitement est bien pris.»
Même avant l’hypertension, ces comportements devraient d’ailleurs être appliqués à la maison pour protéger les enfants et leur santé.
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