Le Parlement convoqué à une session extraordinaire: de quoi s’agit-il?
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La Chambre des députés s’apprête à reprendre ses travaux sous le régime d’une session extraordinaire, convoquée par décret présidentiel et qui s’étendra du 5 juin au 20 octobre prochain. L’annonce, officialisée jeudi par la présidence de la République, fait suite à une rencontre entre le président Joseph Aoun et le Premier ministre Nawaf Salam, au palais de Baabda.

Or, derrière ce geste institutionnel, en apparence routinier, se dessine une réalité plus stratégique. Dans un pays où la législation reste figée plus de la moitié de l’année, cette décision permet de remettre en mouvement la machine parlementaire, à un moment où la nécessité de procéder au redressement du pays se fait de plus en plus pressante.

Une session encadrée par la Constitution

La convocation d’une session extraordinaire s’inscrit dans les prérogatives prévues par l’article 33 de la Constitution libanaise, qui autorise le président de la République, sur proposition du chef du gouvernement, à ouvrir une session hors calendrier parlementaire habituel. Ce dernier prévoit deux sessions ordinaires: celle du printemps (mi-mars à fin mai) et celle de l’automne (mi-octobre à fin décembre), limitant ainsi l’activité législative en séance plénière à environ cinq mois par an.

Hors de ces périodes, la Chambre des députés ne peut légalement se réunir, sauf dans le cadre d’une session extraordinaire. Celle-ci est alors définie par décret présidentiel, qui en fixe la durée et l’ordre du jour.

Un ordre du jour élargi

Selon les termes du décret, la session portera sur plusieurs volets: les lois déjà ratifiées et que le président souhaite voir réexaminées, les projets et propositions de loi en cours ou à venir, ainsi que les textes jugés urgents. Une attention particulière est accordée aux réformes économiques, ainsi qu’à des propositions sensibles comme la modification de la loi sur la récupération de la nationalité libanaise.

Un libellé volontairement large, qui s’explique par une pratique bien connue au Liban. «La Chambre se considère, de facto, souveraine et non liée par les restrictions du décret de convocation», souligne un constitutionnaliste, interrogé par Ici Beyrouth, sous couvert d’anonymat. Selon lui, cette interprétation s’est installée sous les présidences de Hussein Husseini et Nabih Berry, et permet au bureau de la Chambre de «passer outre ces limitations pour délibérer et statuer sur des sujets allant parfois au-delà du périmètre légalement encadré».

Il s’agit là d’une violation flagrante de la Constitution, affirme le juriste. Pour éviter donc cet écueil, l’exécutif opte, d’après lui, pour un ordre du jour inclusif, afin de ne pas se heurter à une contestation symbolique du pouvoir législatif.

Une démarche institutionnelle, sans calcul politique affiché

Contrairement à certaines spéculations, l’ouverture de cette session ne semble pas motivée par des considérations politiques immédiates, suggère-t-on de source susmentionnée.

Il convient de souligner, à cet égard, que certains observateurs ont évoqué, au lendemain de la signature du décret de convocation, le motif de la protection de certains députés sous couvert de l’inviolabilité parlementaire, effective durant les sessions.  «Si le hasard a fait que cette convocation profite à certains pour faire prévaloir l’inviolabilité dont ils bénéficient en période de session, il ne s’agit en aucun cas du motif principal de la signature de ce décret», indique-t-on de même source.

Et d’ajouter: «Il est tout à fait normal que l’exécutif ouvre des sessions extraordinaires, parce qu’il y a des lois à voter et un travail à accomplir, les sessions ordinaires (d’une totalité de cinq mois) n’étant pas suffisantes à cet effet.» D’autant plus que le pays se trouve aujourd’hui dans une situation d’urgence sociale, politique et économique.

En somme, cette session extraordinaire s’inscrit dans une logique de continuité institutionnelle, face à l’urgence de réformes vitales. Si certains pourraient y voir une opportunité politique indirecte, l’enjeu principal reste le même: éviter l’immobilisme dans un pays où la législation ne peut attendre le rythme figé des sessions ordinaires.

 

 

 

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