
Depuis plusieurs années, les ambassades du Liban à travers le monde fonctionnent au ralenti, souvent dirigées par des chargés d’affaires ou des diplomates en poste provisoire.
Une situation symptomatique des dysfonctionnements chroniques des institutions libanaises, largement imputables aux ingérences politiques.
Ce phénomène récurrent reflète, en effet, la paralysie politique et le système de partage confessionnel qui structure l’appareil étatique libanais.
Aujourd’hui, et au vu des nombreuses pressions internationales, un mouvement de nominations diplomatiques semble être en cours de finalisation, à en croire des sources ministérielles, interrogées par Ici Beyrouth.
«Nous devons nous attendre à la promulgation du décret des nominations dans les deux ou trois semaines à venir, quelques détails administratifs étant en phase de finalisation», souligne-t-on de mêmes sources. Et d’ajouter: «Nous pouvons être fiers de ce travail qui, en temps normal, aurait nécessité un délai de six mois à un an.»
Si cette relance des nominations semble imminente, près de six ans après le dernier mouvement en 2017, elle soulève une double interrogation: comment en est-on arrivé à cette impasse, et que peut-on attendre concrètement de sa résolution?
Une diplomatie captive des ingérences politiques
Avec 80 missions diplomatiques à l’étranger, réparties entre 65 ambassades et 15 consulats généraux, le Liban dispose d’un réseau dense, héritage de son histoire et de sa large diaspora.
Mais depuis 2019, de nombreux postes clés sont vacants ou occupés par des diplomates intérimaires, faute de nominations officielles par le Conseil des ministres, ou tout simplement faute de moyens.
Ce gel n’est pas sans conséquences pour le pays, puisqu’il a fragilisé la capacité du Liban à défendre ses intérêts à l’international, à négocier des accords, à répondre à ses communautés expatriées et à gérer efficacement ses relations bilatérales.
Il a aussi contribué à l’effacement progressif de la voix libanaise sur la scène diplomatique.
En théorie, le processus est relativement simple. Le ministère des Affaires étrangères est chargé d’élaborer une proposition de mouvement diplomatique, celle-ci devant être approuvée par le Conseil des ministres.
Dans la pratique, chaque nomination est négociée par les forces politiques selon des logiques de répartition confessionnelle et politicienne.
Chacun exige «sa part» dans les ambassades les plus importantes, notamment celles où les ambassadeurs sont généralement nommés hors cadre: Washington, Paris, Riyad, le Caire, Rome, l’Organisation des Nations unies à New York ou à Genève, etc.
Si après les dernières nominations de 2017, plusieurs tentatives de finaliser le mouvement diplomatique se sont succédé, elles ont toutes échoué à la dernière minute.
«Revenons à l’an 2019, lorsque l’ancien ministre Gebran Bassil a refusé de procéder aux nominations, la réalité sur le terrain ne correspondant pas aux calculs qui l’intéressaient», signale-t-on de source proche du dossier.
«Plus tard, en 2020, le ministère des Affaires étrangères (AE) sous Nassif Hitti n’a pas, non plus, pu réussir cette mission, à cause des ingérences politiques et de la pression qu’exerçait M. Bassil pour faire nommer des gens affiliés au Courant patriotique libre (CPL)», poursuit-on. Et d’ajouter que «le processus a également échoué en 2022, avec Abdallah Bou Habib (proche du CPL, ndlr) à la tête du ministère».
Il faut dire aussi que certains diplomates en poste depuis plus de dix ans refusent de céder leur place, parfois avec le soutien tacite de leur camp politique.
D’autres nominations suscitent aussi des frictions internes au sein du ministère, longtemps accusé de favoritisme ou de clientélisme.
D’autant plus qu’en l’absence d’un chef de l'État, avec près de deux ans de vacances entre 2022 et début 2025, les décisions stratégiques ont été différées.
Aujourd’hui, une fenêtre politique semble s’être ouverte pour faire avancer le dossier.
Vers un déblocage?
Selon des sources diplomatiques concordantes, un projet de nominations serait, comme susmentionné, en cours de finalisation.
Il prévoirait une rotation dans une trentaine de postes, en ciblant les ambassades laissées vacantes trop longtemps ou celles jugées «stratégiques».
L’objectif serait double: apaiser les tensions internes au ministère des Affaires étrangères et donner des gages de normalisation à l'international.
Cependant, pour certains observateurs, le mouvement resterait partiel et les affectations à plusieurs postes-clés pourraient encore être repoussées à plus tard, faute de consensus.
Certains diplomates de carrière réclament plus de transparence, de mérite et de critères professionnels, dénonçant les nominations politiques de dernière minute imposées par les formations au pouvoir.
Il n’en demeure pas moins que le Conseil des ministres pourrait se pencher sur le dossier dans les prochaines semaines.
Reste à savoir si les équilibres politiques tiendront jusqu’au bout ou si le mouvement diplomatique rejoindra une fois de plus la longue liste des décisions suspendues dans l’attente d’un improbable consensus.
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