
L’Association libanaise pour la sauvegarde de Tyr a lancé un appel urgent au président Joseph Aoun, l’exhortant à intervenir immédiatement pour éviter «une catastrophe environnementale et patrimoniale dans la réserve naturelle côtière de Tyr». L’association appelle également les ministères de la Culture et de l’Environnement à agir sans délai.
Lors d’une conférence de presse tenue au siège du Syndicat de la presse à Beyrouth, la présidente de l’association, Maha el-Khalil Chalabi, a dénoncé des travaux représentant de «graves violations systématiques» menaçant l’un des sites historiques les plus importants du Liban. Au cœur de la polémique: la zone de Jiftlik Ras el-Aïn, jouxtant la réserve marine de Tyr, où un projet d’envergure à la fois commercial et militaire est en cours de construction sur un terrain protégé, malgré des décisions de justice ordonnant l’arrêt des travaux.
Selon Mme Chalabi, le projet comprendrait plus de 150 boutiques, restaurants, logements, un club d’officiers et des casernes. «Ces travaux, entamés en septembre 2024, a-t-elle stigmatisé, sont réalisés sur des parcelles inscrites à l’inventaire général des bâtiments historiques, portant les numéros 1504, 1570, 1571, 1572, 1573, 1574 et 1575, d’une superficie totale de 400.000 mètres carrés. Il est interdit d’y construire sans permis délivré par le ministère de la Culture – ce qui n’a pas été fait.» Et de poursuivre: «Ces terrains revêtent une grande valeur patrimoniale et environnementale, en raison de leur proximité immédiate avec la réserve marine de Tyr et du fait qu’ils renferment d’importants vestiges enfouis de la ville phénicienne terrestre de Tyr et de son ancien port.»
Mme Chalabi a expliqué que «le ministère de la Défense a signé un contrat de type BOT ou Build-Operate-Transfer (construire-exploiter-transférer) avec une société privée, lui conférant des droits sur un bien public sans décret officiel». Elle a insisté sur le fait que cet accord «contrevient aux lois en vigueur se rapportant au patrimoine historique, à l’environnement et à la gestion du domaine public».
Elle a révélé qu’un juge de Tyr, saisi de cette affaire, a ordonné à deux reprises l’arrêt immédiat du chantier. Selon ses explications, les experts et les agents envoyés sur place pour faire exécuter les décisions judiciaires ont été empêchés d’accéder au site.
Les inquiétudes se sont intensifiées le 28 mai, lorsqu’un incendie a ravagé une grande partie de la végétation dans la réserve. Des militants soupçonnent un feu volontaire, destiné à justifier l’aménagement d’un accès vers la mer.
Mme Chalabi a ensuite indiqué que des gravats provenant des immeubles détruits par les récentes frappes israéliennes ont été déversés sur le site. «Le sable est également prélevé et vendu illégalement», a-t-elle averti.
L’association a réclamé le déplacement du club des officiers vers un autre site qui ne mettrait pas en péril le patrimoine culturel et écologique.
Elle a déploré «l’inaction totale des autorités, malgré des mises en garde répétées, des courriers officiels et plusieurs réunions avec des représentants de l’État, notamment le ministre de la Culture Ghassan Salamé».
Mme Chalabi a rappelé, dans ce contexte, qu’un journaliste, Mehdi Karim, avait été brièvement interpellé alors qu’il documentait les infractions sur le terrain.
Commentaires