
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a estimé mercredi que la proposition américaine faite à son pays en vue d'un accord sur le nucléaire allait à l'encontre des intérêts nationaux, sur fond de divergences liées à l'enrichissement d'uranium.
L'Iran et les États-Unis ont débuté en avril, sous la médiation du sultanat d'Oman, de délicates discussions sur l'épineux dossier du nucléaire iranien.
Après cinq cycles de pourparlers, les deux pays, ennemis depuis quatre décennies, se sont quittés le 23 avril à Rome sans avancée notable.
Samedi, l'Iran avait affirmé avoir reçu des «éléments» sur une proposition américaine en vue d'un potentiel accord.
«La proposition (sur le nucléaire iranien) présentée par les Américains est 100% à l'encontre du slogan ‘nous pouvons’», a déclaré lors d'un discours à Téhéran l'ayatollah Khamenei.
Cette formulation fait référence aux piliers de la Révolution islamique de 1979 sur l'indépendance du pays, et aux progrès réalisés depuis par l'Iran, notamment sur le plan technologique.
«L'indépendance (du pays) signifie ne pas attendre le feu vert de l'Amérique et de ses semblables», a ajouté devant des fidèles et des responsables Ali Khamenei, à l'occasion du 36e anniversaire de la mort du fondateur de la République islamique, l'ayatollah Rouhollah Khomeini.
L'enrichissement d'uranium demeure l'un des principaux points de blocage entre les deux pays.
«Ligne rouge»
Washington s'oppose à tout enrichissement d'uranium par l'Iran, tandis que ce dernier considère cette demande comme une «ligne rouge», en vertu du traité de non-prolifération (TNP) dont il est signataire.
Les États-Unis n'ont «pas» leur «mot à dire» sur l'enrichissement d'uranium, a ajouté Ali Khamenei.
L'Iran est soupçonné par les pays occidentaux et par Israël de vouloir se doter de la bombe atomique, ce dont il se défend.
Mais Téhéran souligne son droit à poursuivre un programme nucléaire à des fins civiles, notamment pour l'énergie.
«Si nous avons 100 centrales nucléaires, mais que nous ne pouvons pas enrichir (l'uranium), cela ne nous sera d'aucune utilité», car «les centrales nucléaires ont besoin de combustible» pour fonctionner, a argué Ali Khamenei.
«Si nous ne pouvons pas produire ce combustible localement, nous devrons nous tourner vers les États-Unis, qui pourraient poser des dizaines de conditions» pour le faire, a poursuivi le dirigeant iranien, au pouvoir depuis 1989.
Le président américain Donald Trump a affirmé lundi que les États-Unis n'autoriseraient «aucun enrichissement d'uranium dans le cadre d'un potentiel accord» avec l'Iran.
Interdire à l'Iran d'enrichir son uranium constitue une «ligne rouge», a rétorqué mardi le principal négociateur iranien, le chef de la diplomatie Abbas Araghchi.
Réunion au sommet
Il a estimé que la proposition américaine, dont le contenu n'a pas été dévoilé, comportait «de nombreuses ambiguïtés».
Ces déclarations surviennent après la divulgation d'un rapport consulté samedi par l'AFP de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), selon lequel Téhéran a accéléré sa production d'uranium hautement enrichi.
L'AIEA a appelé l'Iran à davantage de transparence sur son programme nucléaire. Téhéran a dénoncé des conclusions jugées «politiques».
Le gendarme onusien du nucléaire doit tenir du 9 au 13 juin un Conseil des gouverneurs, une importante réunion trimestrielle à Vienne durant laquelle seront notamment passées en revue les activités nucléaires de l'Iran.
Abbas Araghchi a condamné les «pressions exercées» selon lui sur l'AIEA par «certains pays européens» et les a menacés de représailles s'ils utilisaient ce rapport à des fins politiques durant cette réunion.
La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne sont avec la Russie et la Chine membres d'un accord pour encadrer le programme nucléaire iranien conclu en 2015. Les États-Unis s'en sont retirés unilatéralement trois ans plus tard durant le premier mandat de Donald Trump.
Paris, Londres et Berlin ont menacé ces dernières semaines d'enclencher un mécanisme prévu dans l'accord de 2015 qui permet le rétablissement de sanctions onusiennes si l'Iran ne respecte pas ses engagements.
Selon l'AIEA, ce pays est le seul État non doté d'armes nucléaires à enrichir de l'uranium à un niveau élevé (60%), bien au-delà de la limite de 3,67% fixée par l'accord de 2015.
Payam Doost Mohammadi / AFP
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