
Sous les regards inquiets de la communauté internationale, l’Iran continue d’enrichir son uranium à des niveaux jamais atteints depuis la rupture de l’accord nucléaire de 2015. Alors que Washington durcit publiquement le ton, des propositions plus souples circulent en coulisses.
Entre déclarations de fermeté, négociations secrètes et inspections internationales, le programme nucléaire iranien revient au centre du débat diplomatique mondial. Mais derrière les formules techniques se cache une question simple: jusqu’où peut aller l’Iran avant de franchir le point de non-retour nucléaire?
Une technologie à double usage
L’enrichissement d’uranium consiste à augmenter la proportion d’uranium 235, isotope fissile rare, dans l’uranium naturel. Cette opération est indispensable pour produire du combustible nucléaire civil (environ 3 à 5% d’U-235), mais au-delà de 90%, elle permet de fabriquer une arme atomique. La même technologie permet donc les deux usages, ce qui en fait un sujet hautement surveillé par la communauté internationale.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) contrôle ces activités pour éviter tout détournement vers un programme militaire. En tant que signataire du traité de non-prolifération (TNP), l’Iran a le droit de développer le nucléaire civil, mais s’engage à ne pas produire d’armes nucléaires. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les actuelles négociations internationales.
Négociations tendues entre Washington et Téhéran
Un accord sur le nucléaire iranien est en discussion, mais les positions restent divergentes. Lundi, le président américain, Donald Trump, a rejeté toute possibilité d’enrichissement d’uranium par l’Iran, affirmant sur Truth Social qu’«aucun enrichissement ne sera autorisé» dans un futur accord.
Pourtant, selon des informations relayées par Axios, les États-Unis auraient proposé à l’Iran d’autoriser un enrichissement limité sur son sol pendant une période déterminée. Cette offre, transmise après cinq cycles de négociations indirectes sous médiation omanaise, exigerait toutefois des concessions importantes: interdiction de nouvelles installations, démantèlement d’équipements sensibles, gel de certaines recherches et réduction temporaire de l’enrichissement à 3%. En parallèle, un dispositif de surveillance renforcé par l’AIEA serait mis en place, avec application immédiate du protocole additionnel. La levée des sanctions serait conditionnée par une conformité prouvée.
L’Iran réclame des garanties
Téhéran affirme ne pas vouloir renoncer à ses «activités pacifiques» et insiste sur son droit au nucléaire civil. «Si le but des négociations est de priver l’Iran de ses activités pacifiques, alors il n’y aura certainement aucun accord», a déclaré lundi le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi.
L’Iran nie vouloir fabriquer une bombe, mais exige un calendrier clair pour la levée des sanctions économiques. Jusqu’à présent, selon le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Ismail Baghaei, les garanties américaines sont insuffisantes.
Depuis le retrait unilatéral des États-Unis de l’accord de Vienne (JCPOA), en 2018, la confiance entre les deux pays s’est effritée. Téhéran craint de faire des concessions sans recevoir les bénéfices promis, comme cela s’était produit lors de l’accord précédent.
L’AIEA alerte: l’Iran franchit un seuil critique
Le dossier se complique avec les dernières observations de l’AIEA. Dans un rapport récent, l’agence révèle que l’Iran possède désormais plus de 400 kg d’uranium enrichi à 60%, un niveau très proche du seuil militaire.
Cette quantité dépasse largement les besoins d’un usage civil et représente un signal d’alarme pour les experts. À ce rythme, Téhéran pourrait disposer de suffisamment de matière pour une arme en cas de passage à 90% d’enrichissement.
Rafael Grossi, directeur de l’AIEA, a exhorté samedi l’Iran à plus de transparence. Il déplore une coopération «moins que satisfaisante» et un manque d’accès aux sites suspects, où des traces d’uranium non déclaré ont été trouvées. Une réunion du Conseil des gouverneurs de l’AIEA est prévue du 9 au 13 juin, à Vienne, pour examiner la situation.
Réactions internationales
Israël suit le dossier de très près. Le gouvernement Netanyahou accuse l’Iran de chercher à se doter de l’arme nucléaire, estimant qu’un enrichissement à 60% ne peut avoir de justification civile.
Israël menace même d’une action militaire préventive si les négociations échouent. Selon Axios, Donald Trump aurait demandé à Benjamin Netanyahou de ne rien entreprendre qui compromettrait les discussions.
Côté européen, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni expriment aussi leur préoccupation. Ils ont évoqué le recours au mécanisme de «snapback» qui permettrait de rétablir automatiquement les sanctions de l’ONU si l’Iran continue de violer ses engagements.
Dans ce climat tendu, certains pays tentent d’apaiser les tensions. Le sultanat d’Oman joue un rôle actif dans la médiation entre les parties. L’Égypte, également, a accueilli des discussions entre l’Iran, l’AIEA et des diplomates arabes, appelant à éviter une escalade militaire.
Une équation encore ouverte
L’équilibre reste délicat: garantir que l’Iran ne développe pas l’arme nucléaire, tout en respectant son droit à l’énergie civile. À ce jour, aucun accord n’a été finalisé, mais les canaux diplomatiques restent ouverts. Rafael Grossi a exprimé l’espoir d’un «résultat positif», affirmant que l’AIEA continuerait de surveiller la situation de près.
Les centrifugeuses continuent de tourner en Iran, alors que la diplomatie patine. Reste à savoir si les négociateurs parviendront à transformer cette mécanique à haut risque en compromis durable, ou si le programme nucléaire iranien deviendra le détonateur d’une crise régionale majeure.
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