Désarmement ou sanctions?
©Ici Beyrouth

Malgré la polémique persistante autour du sort des armes illégales au Liban, la volonté de les placer sous le contrôle exclusif de l’État reste bien présente. Elle est portée à la fois par une volonté officielle de reconstruction et par des pressions occidentales et arabes.

Ce dossier sensible, qui nourrit les tensions internes et les inquiétudes internationales, continue d’occuper le devant de la scène politique. Une dynamique plus sérieuse semble toutefois s’enclencher, à commencer par le désarmement progressif des camps palestiniens.

Le 15 juin doit marquer le début du retrait des armes dans trois camps palestiniens de Beyrouth, première étape d’un processus convenu lors de la visite du président palestinien Mahmoud Abbas. D’autres phases devraient suivre et s’étendre à l’ensemble des camps. L’initiative reste néanmoins entourée d’incertitudes, notamment en raison des réserves exprimées par un des députés du Hezbollah, Amine Cherri, qui déplore l’absence de coordination entre les factions palestiniennes et le manque de planification claire.

Cette tentative d’encadrement des armes palestiniennes ramène inévitablement la question, autrement plus délicate, de l’arsenal du Hezbollah. Sur ce point, l’État libanais avance avec une extrême prudence. La présidence et ses alliés évitent tout geste susceptible de ranimer les tensions ou de provoquer un affrontement. Officiellement, le dialogue reste privilégié, dans le cadre d’une stratégie nationale de défense. Une posture jugée insuffisante, voire préoccupante, dans les cercles internationaux, notamment américains.

Les dirigeants du parti pro-iranien continuent d’afficher leur refus de rendre leurs armes, qu’ils considèrent comme «un pilier de la souveraineté nationale» et de ce qu’ils appellent «la résistance». Le Hezb s’est cependant plié devant les dispositions de l’accord de cessez-le-feu avec Israël, puisque, selon les officiels libanais, 80% de son arsenal aurait été démantelé au sud du Litani. Pour celles situées au nord du fleuve, des députés du Hezbollah indiquent qu’elles seront encadrées par des arrangements internes avec l’État.

Même le président du Parlement, Nabih Berry, estime que le Liban a respecté l’accord de cessez-le-feu en retirant les armes au sud du Litani.

Parallèlement, un site proche du président américain Donald Trump a lancé une campagne, qui n’a rien d’anodin, contre M. Berry, faisant brandir la menace de sanctions contre lui et ses proches. Le timing de cette campagne est intervenu peu de temps après la tournée du président américain dans le Golfe, où il a évoqué, à Riyad, une «dernière chance» pour le Liban.

l'émissaire américaine adjointe pour le Moyen-Orient, Morgan Ortagus, attendue à Beyrouth après le 15 juin, devrait, elle aussi, transmettre un message clair à ce sujet aux autorités libanaises: Washington réclame la remise volontaire des armes du Hezbollah, comme cela s’est produit avec certaines factions pro-iraniennes en Irak.

Elle demandera également un plan par étapes, piloté par l’État libanais, pour garantir son monopole sur les armes.

Le président Joseph Aoun, qui a déclaré vouloir faire de 2025 l’année du monopole de l’État sur les armes, œuvre dans ce sens en coordination avec le président du Parlement. Selon des sources bien informées, le retrait des armes des camps palestiniens n’aurait pas été possible sans leur entente, ce qui témoigne d’une volonté politique réelle – bien qu’elle reste conditionnée par d’autres dynamiques toujours à l’œuvre sur la scène libanaise.

Le duopole formé par Amal et le Hezbollah, et plus particulièrement le Hezb, continue d’arrimer le Liban aux crises régionales, de la Syrie à Gaza, en passant par le dossier nucléaire iranien. Dans cette logique, d’aucuns estiment que le pays ne pourrait résoudre sa propre crise sécuritaire sans un règlement régional global.

Toute avancée sur la question des armes resterait ainsi tributaire d’un feu vert de Téhéran, ce qui laisse planer la menace d’une escalade si les négociations avec les États-Unis venaient à échouer.

Dans cet environnement aux équilibres complexes, le désarmement des camps palestiniens ne semble pas être une initiative isolée, mais plutôt le premier jalon d’un long processus que l’État libanais espère mener jusqu’au bout pour réaffirmer son autorité sur l’ensemble du territoire. Une entreprise semée d’embûches, au final, tant internes qu’externes, et dont le succès dépendra d’une volonté politique collective, incluant donc le Hezbollah, et d’un consensus régional plus large.

 

 

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