
Depuis le retour de Donald Trump à la présidence en janvier, l’université de Harvard est au cœur d’une offensive fédérale sans précédent qui remet en question son financement, sa capacité à accueillir des étudiants étrangers et, plus largement, son autonomie académique.
Une offensive financière sans précédent
L’administration Trump a déjà gelé, en avril, plus de 2,2 milliards de dollars de subventions et de contrats fédéraux accordés à Harvard, incluant des fonds destinés à la recherche médicale, scientifique et technologique.
Ce mardi, une directive a été envoyée aux agences fédérales pour qu'elles mettent fin à tous les contrats restants avec l'université, estimés à environ 100 millions de dollars.
Le président américain, Donald Trump, a justifié ces mesures en accusant Harvard de promouvoir une idéologie «radicale» et antisémite, et de ne pas se conformer à la décision de la Cour suprême de 2023, interdisant les politiques d'admission basées sur la race.
Il a également menacé de retirer les avantages fiscaux de l’université et de taxer davantage son fonds de dotation, un capital investi destiné à financer ses activités sur le long terme. Cela pourrait entraîner une charge fiscale supplémentaire de 850 millions de dollars par an, selon Phillip Levine, professeur d’économie à Wellesley College, cité par l’agence britannique Reuters.
Les étudiants étrangers dans le collimateur
Parallèlement aux coupes budgétaires, l'administration a pris des mesures restrictives concernant les étudiants internationaux.
Jeudi dernier, le gouvernement a révoqué la certification de Harvard pour accueillir des étudiants étrangers, affectant près de 6.800 étudiants, soit environ 27% de la population étudiante de l'université.
De plus, le département d'État a suspendu les entretiens pour les visas étudiants, annonçant un renforcement des vérifications, notamment via l'analyse des réseaux sociaux des candidats. Cette suspension temporaire des entretiens de visa a suscité des inquiétudes quant à l'impact sur les étudiants internationaux souhaitant étudier à Harvard.
Une bataille judiciaire en cours
Face à ces attaques, l’université de Harvard a intenté plusieurs actions en justice contre l'administration Trump, arguant que ces mesures violent les principes constitutionnels de liberté académique et de non-discrimination.
Le président de l'université, Alan Garber, a déclaré que ces actions «nuisaient non seulement à Harvard, mais aussi à l'ensemble du pays», soulignant l'importance des recherches financées par les fonds fédéraux pour le bien public.
Vendredi dernier, la juge fédérale Allison Burroughs a émis une ordonnance de restriction temporaire bloquant la révocation par l'administration Trump de la capacité de Harvard à inscrire des étudiants internationaux. Cette décision judiciaire offre un répit temporaire à l'université et à ses étudiants internationaux. Mais la bataille juridique se poursuit.
Quel impact économique?
Les décisions de l'administration Trump ont des répercussions économiques significatives pour Harvard et, plus largement, pour le système universitaire américain. La perte de revenus liés aux étudiants internationaux est estimée à plusieurs centaines de millions de dollars par an, compte tenu des frais de scolarité élevés payés par ces étudiants.
Par ailleurs, la suspension de plus de 1.000 subventions, représentant environ 2,4 milliards de dollars, pourrait mettre en péril des projets de recherche, notamment dans les domaines de la santé et de la technologie.
Ces mesures pourraient également avoir des conséquences pour l'économie locale et nationale. En effet, les étudiants internationaux contribuent annuellement à hauteur de 44 milliards de dollars à l'économie américaine et soutiennent près de 378.000 emplois selon l’Association des éducateurs internationaux (NAFSA).
Quel avenir pour l'enseignement supérieur?
Cette confrontation soulève des questions fondamentales sur l'avenir de l'enseignement supérieur aux États-Unis. La volonté de l'administration Trump de rediriger les fonds vers des écoles professionnelles et de limiter l'accès des étudiants étrangers remet en cause le modèle traditionnel des universités américaines, fondé sur l'ouverture et la diversité.
Alors que Harvard tient le coup pour l’instant, d'autres institutions pourraient être tentées de céder aux pressions gouvernementales pour préserver leur financement. L'issue de cette bataille juridique pourrait donc avoir des implications majeures pour l'ensemble du paysage universitaire américain.
Une solidarité internationale en réponse
Face à cette crise, plusieurs pays asiatiques ont exprimé leur solidarité envers les étudiants internationaux touchés en proposant des solutions d'accueil alternatives.
Le gouvernement japonais a officiellement invité ses universités à envisager l'accueil d'étudiants internationaux inscrits dans des établissements américains, notamment ceux de Harvard, afin de leur permettre de poursuivre leurs études sans interruption.
À Hong Kong, le gouvernement a exhorté les universités locales à faciliter l'intégration des étudiants internationaux affectés par l'interdiction imposée à Harvard. Des établissements tels que l'Université des sciences et technologies de Hong Kong (HKUST) ont proposé des admissions inconditionnelles, des procédures simplifiées et un soutien académique à ces étudiants.
Le ministère taïwanais de l'Éducation a indiqué que 52 étudiants taïwanais, y compris des nouveaux admis, étaient affectés par la décision américaine. Le ministère s'est engagé à aider ces étudiants en facilitant leur transfert vers des institutions taïwanaises ou en organisant des examens d'entrée supplémentaires.
En somme, les mesures de l'administration Trump à l'encontre de Harvard s'inscrivent dans une volonté affirmée de réorienter l'enseignement supérieur américain vers des principes jugés plus conformes aux intérêts nationaux. Cette approche, bien que controversée, reflète une stratégie visant à redéfinir le paysage académique des États-Unis.
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