
Le régime iranien ne peut pas s’interdire les actions de sabotage de la paix, alors qu’il poursuit ses tractations avec les États-Unis. Comment peut-on se fier aux paroles bafouées et croire en la possibilité d’une négociation concluante? La crédibilité de toute diplomatie envers l’Iran est remise en cause au point de départ, parce que le régime iranien est en porte-à-faux et il est loin d’être en quête d’une solution négociée.
Le fait de s’installer dans une posture de communication paradoxale en dit long sur la portée de ces négociations et de leur viabilité. C’est un régime qui n’est pas à la recherche de la normalisation, il est plutôt en train de déjouer toutes politiques qui peuvent freiner les dynamiques de subversion qu’il a mises en rail sur l’ensemble du Moyen-Orient. La dernière tentative en date est celle du 7 octobre 2023 et ses effets pervers, qui ont induit la contre-offensive israélienne qui a détruit les plateformes opérationnelles de la politique de subversion iranienne et remis en place une contre-dynamique qui a bouleversé la donne stratégique et politique sur le plan régional.
Ce n’est qu’à partir de cette nouvelle donne qu’on peut comprendre la nouvelle trame diplomatique en cours. Le régime iranien est dans une politique de contournement et de repositionnement sur un échiquier en pleine mutation. On est loin d’une politique de recherche de la paix, surtout que les indicateurs vont dans le sens contraire. La situation au Liban, à Gaza, en Syrie, en Iraq, au Yémen et en Iran atteste amplement des contre-vérités et témoigne du retour en force des politiques de sabotage sur l’ensemble de ce continuum géopolitique qualifié de «théâtre opérationnel intégré» par Kassem Souleimani, l’architecte en chef des politiques de subversion en cours. Le régime iranien n’en démord pas moins, en dépit et malgré les revers militaires et politiques qu’il a essuyés. Il veut enrayer la nouvelle dynamique et réinstaller la région dans un état de chaos propice à une politique de revanche.
L’hypothétique normalisation du Liban, qui devrait mettre fin aux verrouillages multiples dont il pâtit depuis plus de 65 ans, est remise en question. L’élection présidentielle et la formation d’un nouveau gouvernement reconduisent paradoxalement les blocages institués par la politique de subversion chiite, prennent distance vis-à-vis des mandats internationaux (1701, 1680, 1559) et avancent de manière désordonnée sur les dossiers de réforme où leurs déclinaisons idéologiques priment. L’absence de consensualité et les alignements partisans sont fortement répercutés au niveau de la cohésion ministérielle et de la mise en forme des politiques réformistes.
La question qui ne cesse de se poser est celle de l’inaptitude à se défaire des verrouillages et à passer outre les opportunités qui nous sont offertes afin de casser les verrouillages qui nous enserrent. Le régime iranien a réussi sa tentative de blocage en réinvestissant les lignes de fractures de la société politique libanaise et en remettant la paix civile sur la sellette. L’incohérence fondamentale du nouvel exécutif a servi de tremplin à la politique de sabotage iranienne, et le Liban se retrouve une nouvelle fois devant des scénarios de chaos renouvelé, de guerre civile en gestation et d’aléas géostratégiques en perspective. Le régime iranien et sa cohorte libanaise sont à la source des blocages en lice. La nouvelle équipe au pouvoir est loin d’être à la hauteur de la tâche.
La situation à Gaza illustre le caractère tragique d’une scène palestinienne entièrement manipulée et sujette aux mutations brutales des politiques de puissance qui prédominent sur la scène arabe et musulmane. Le radicalisme islamiste et la vénalité du leadership du Hamas sont à l’origine de la tragédie qui a abouti à la destruction de l’ensemble du territoire de Gaza; à la létalité inédite dans l’histoire du conflit israélo-palestinien (52.000, décompte indifférencié des victimes civiles et des miliciens tués dans les combats); à la réémergence des extrémismes idéologiques et à leurs instrumentalisations multiples des deux bords; et aux reconfigurations géostratégiques en cours. Israël est désormais dans une posture de subversion et de changement de la donne géopolitique qui compromet sa sécurité nationale.
Les massacres du 7 octobre 2023 ont remis la question de la sécurité au devant de la scène, vu la gravité des menaces existentielles et de leurs incidences sécuritaires. La guerre du 7 octobre 2023 redéfinit les coordonnées de toute solution négociée: les enjeux ne sont plus les mêmes. La reddition ou la destruction du Hamas ainsi que la libération inconditionnelle des otages israéliens sont des préludes incontournables afin de statuer sur l’avenir de Gaza et de réamorcer les négociations sur un règlement d’ensemble de la question palestinienne.
La rébellion de masse des Gazaouis contre le Hamas et l’establishment politique palestinien sonnent le glas et annoncent la fin d’un état d’usurpation et d’impunité qui a détruit les chances d’une solution négociée. Les Israéliens doivent se saisir de cette lame de fond pour relancer les négociations avec les Palestiniens. Les diplomaties européennes doivent redéfinir leurs axes d’approche si elles veulent une médiation réelle et effective.
La nouvelle donne stratégique en Syrie est entièrement tributaire de la nouvelle dynamique israélienne. Ahmad el-Chareh en est parfaitement conscient et cherche à composer avec cette nouvelle donne en élaborant sa politique. Sa démarche bute sur des lest idéologiques et stratégiques dont il doit se libérer pour pouvoir amorcer un nouveau départ qui se définit en rupture totale avec le passé dont il se recommandait. Son positionnement devrait tenir compte des nouveaux équilibres stratégiques et de leur impact sur la société politique.
Le dernier affrontement entre Israël et la Turquie est hautement symptomatique et met en relief les nouveaux enjeux géostratégiques qu’il faudrait gérer dans l’avenir immédiat et lointain. Autrement, la défaite de l’Iran est un acquis qui profite conjointement au nouveau directoire syrien et à l’État israélien. Il n’est plus question de retour au statu quo ante, et la signature d’un accord de paix avec Israël est désormais un passage obligé pour aborder l’avenir.
L’administration américaine est non seulement à l’origine de cette nouvelle dynamique, mais elle en est la garante si le pouvoir syrien veut réussir cette gageure. La fin de l’ère du terrorisme islamiste, la défaite de la politique impériale iranienne et le succès des négociations avec les minorités syriennes (chrétienne, kurde, druze,…) sont les gages de la paix et de la stabilité dont la Syrie a besoin avant d’aborder la phase de la reconstruction.
L’Irak est impatient de se débarrasser du pouvoir colonial iranien et de remettre ses pendules à l’heure. L’assainissement des relations intercommunautaires est le complément nécessaire au fédéralisme irakien et à la consolidation de la paix civile. La fin de l’ère iranienne est le prélude à la concorde civile et à la mise en marche du train des réformes dans un pays instrumentalisé par la politique de satellisation et transformé en relais pour les entreprises de déstabilisation régionale et de criminalité organisée.
La défaite des Houthis a fini par contenir le débridement des politiques du brigandage qui ont visé le commerce international et mis le Yémen sur la voie d’une solution diplomatique rendue impossible avec la politique de puissance iranienne. Rien n’est acquis, mais les possibilités d’un règlement négocié sont plus impératives que jamais.
L’Iran est le pays où tout commence et tout finit. Le régime iranien a le choix de la normalisation et de la libéralisation comme gage de réintégration dans la communauté internationale. Sinon, l’autre option, celle de la poursuite de la militarisation du nucléaire et des guerres par procuration, fera, dorénavant, partie d’un passé révolu. Le renversement du régime iranien devient plus que jamais nécessaire et se fera au croisement de la défaite militaire et de la rébellion la plus spectaculaire du XXIᵉ siècle, celle de la société civile et du peuple iranien outrés par quatre décennies de dictature sanguinaire et de totalitarisme islamique.
Nous assistons à la fin d’une dystopie meurtrière, de la supercherie islamiste de l’«islam est la solution», des enfermements stratégiques de la guerre froide interislamique, et de l’émergence hypothétique d’une ère de libéralisation et de démocratisation qu’on croyait impossible. Il faudrait savoir gré à la dynamique géostratégique impulsée par Israël et à la diplomatie du président Trump qui a relancé les accords abrahamiques et réengagé les acteurs sur de nouveaux terrains, mais tout reste à faire.
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