Al-Qard al-Hassan: la banque qui survit aux bombes mais pas aux audits
©Ici Beyrouth

Al-Qard al-Hassan, institution financière liée au Hezbollah, active à travers 34 succursales dans les zones contrôlées par la milice, a récemment attiré l’attention pour son rôle dans les opérations financières du groupe.

Le think-tank israélien Alma Research and Education Center, qui se focalise sur les questions de sécurité au nord d’Israël, a fourni des informations sur les activités et les implications récentes de la «colonne vertébrale financière» du Hezbollah.

Renouvellement du flux de trésorerie

Le 5 mars dernier, Al-Qard al-Hassan a émis une nouvelle directive permettant des paiements de compensation immédiats jusqu'à 1.000 dollars, annulant une politique précédente qui exigeait un délai de 20 jours. Cette directive, mise en œuvre environ deux semaines après les funérailles de l’ancien secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, le 23 février dernier, suggère une restauration partielle du flux de trésorerie, potentiellement facilitée par des fonds iraniens. L’évènement aurait servi de plateforme pour le transfert physique de fonds au Hezbollah par l'intermédiaire de délégations en visite, selon Alma Research.

Pression internationale et sanctions

Par ailleurs, Alma Research souligne la nécessité d'une pression internationale, en particulier des États-Unis, pour contraindre le gouvernement libanais à fermer Al-Qard al-Hassan.

L'institution a été identifiée comme un conduit financier crucial pour le Hezbollah, financé par l'Iran, et a été accusée par le Trésor américain de saper les institutions officielles du Liban et d'aggraver la crise économique du pays. Selon la chaîne locale MTV, Washington insiste sur la nécessité de mettre fin à l'existence de cette institution, la considérant comme un obstacle majeur aux réformes économiques requises pour sortir le Liban de sa crise actuelle.

Le 21 octobre 2024, l'armée de l'air israélienne a mené des frappes ciblées contre plus d’une dizaine de succursales d'Al-Qard al-Hassan visant à perturber le réseau financier du Hezbollah.

Malgré ces frappes, le Hezbollah a activement réhabilité les succursales attaquées. Par exemple, la succursale centrale, dans le quartier de Zokak el-Blat, à Beyrouth, a été rouverte le 19 mai, après d'importants travaux de rénovation. Cet effort de réhabilitation est vu comme un instrument de propagande significatif pour le Hezbollah, illustrant l’intransigeance de sa base chiite.

Le 27 octobre 2024, l'Arabie saoudite a classé Al-Qard al-Hassan comme une entité terroriste. L'institution a été accusée d'être l'une des principales plateformes de blanchiment d'argent du Hezbollah, ce qui a compliqué davantage ses opérations et sa position internationale. Cette désignation a fait réagir les partisans du Hezbollah, qui ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux contre l'Arabie saoudite sous le hashtag «vous êtes la source du terrorisme».

Des discussions sont en cours pour envisager la fermeture d’Al-Qard al-Hassan par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur – l’autorité qui lui a délivré son permis initial – afin d’éviter d’impliquer la Banque du Liban qui n’a aucune compétence sur cette entité.

Implications plus larges

Les activités d'Al-Qard al-Hassan ont des implications plus larges pour le paysage économique et politique du Liban. Le rôle de l'institution dans la fourniture de prêts sans intérêt et d'autres services financiers à la communauté chiite libanaise a été un point de contention.

Bien qu’elle affirme promouvoir la cohésion sociale et la coopération, l’institution est accusée d’échapper à la régulation de la Banque du Liban et de servir potentiellement de canal pour le blanchiment d’argent.

Entre les missiles, les millions et les slogans, Al-Qard al-Hassan incarne le chaos organisé à la libanaise. Visiblement, pour le Hezbollah, reconstruire une succursale vaut mieux que bâtir un pays.

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