
L'armée soudanaise a annoncé mardi avoir "entièrement libéré" l'État de Khartoum des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) lors d'une "opération de grande envergure" destinée à les déloger de leurs dernières positions à Omdourman, ville jumelle de la capitale Khartoum.
Les troupes du général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du pays depuis un coup d'État en 2021, ont lancé lundi cette offensive sur Omdourman, où s'étaient repliés une partie des paramilitaires en guerre depuis 2023.
L'État de Khartoum qui englobe cette grande ville et celle de Khartoum "est complètement libéré des rebelles", a indiqué le porte-parole de l'armée Nabil Abdallah dans un communiqué publié mardi.
L'armée avait repris la capitale en mars. Depuis, les paramilitaires ont multiplié les attaques de drones pour frapper plusieurs villes à distance, notamment Port-Soudan, le siège provisoire du gouvernement dans l'est du pays.
Selon l'armée, les drones utilisés par les FSR sont fournis par les Émirats arabes unis, qui ont formellement démenti.
"Gouvernance démocratique"
Le troisième plus grand pays d'Afrique en superficie est divisé depuis avril 2023 par la lutte sanglante pour le pouvoir que se livrent le général al-Burhane et son ancien bras droit, Mohamed Hamdane Daglo, le chef des FSR.
Parallèlement aux combats, chacun cherche à consolider ses positions sur le plan international.
Lundi, le général al-Burhane a nommé au poste de Premier ministre l’ancien directeur de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), Kamel al-Tayeb Idris Abdelhafiz. Il a également désigné deux femmes au Conseil de souveraineté, au pouvoir depuis le coup d'État de 2021.
Son intention, selon les experts, est de légitimer son camp aux yeux de la communauté internationale avec un gouvernement de civils fonctionnel malgré la guerre.
L'Union africaine, de laquelle le Soudan a été suspendu en 2021, a salué mardi cette nomination, en espérant que ce "pas vers une gouvernance inclusive" permette de "rétablir l'ordre constitutionnel et la gouvernance démocratique au Soudan".
Dans le même temps, M. Burhane a aussi annulé par décret les pouvoirs de supervision du Conseil sur le gouvernement, consolidant davantage son autorité. Il espère "maintenir le pouvoir, mais partager la responsabilité (...) parce que tout lui est maintenant reproché", selon l'analyste soudanaise Kholood Khair.
Le président russe Vladimir Poutine a invité mardi le général al-Burhane à participer au premier sommet russo-arabe prévu le 15 octobre, selon un communiqué du Conseil de souveraineté.
Mi-avril, le général Daglo avait de son côté annoncé la formation d'un gouvernement rival, ce qui risque, selon l'ONU, "d'aggraver la fragmentation du pays".
"Une escalade majeure"
Actuellement, le pays est déjà divisé: l'armée contrôle le centre, l'est et le nord, tandis que les FSR dominent l'ouest avec la quasi-totalité de la vaste région du Darfour et certaines parties du sud.
Les frappes FSR sur Port-Soudan, une ville longtemps épargnée par les combats devenue l'épicentre de l'aide humanitaire, ont endommagé plusieurs infrastructures stratégiques, dont le dernier aéroport civil encore opérationnel au Soudan.
"L'amplitude de ces attaques de drones représente une escalade majeure dans le conflit", a alerté l'expert onusien en droits humains, Radhouane Nouicer, dans un communiqué publié lundi à Genève. Selon lui, ces frappes visant des zones très peuplées "aggravent la situation humanitaire".
Mercredi, une attaque contre trois centrales électriques de Khartoum a provoqué une panne d’électricité, selon Médecins sans frontières (MSF), perturbant le fonctionnement de deux hôpitaux majeurs à Omdourman.
Le choléra se propage à travers le pays, avec l'enregistrement de 2.323 nouveaux cas, dont 51 décès, au cours des trois dernières semaines, dont 90% dans l'État de Khartoum, selon les autorités sanitaires.
La guerre a tué des dizaines de milliers de personnes, déraciné 13 millions d'autres, et provoqué ce que l'ONU décrit comme la "pire crise humanitaire" actuelle dans le monde.
AFP
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