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3. Quand l'IA apprend sans nous: Absolute Zero Reasoner, la machine qui réfléchit seule

Conçue en Chine, cette intelligence artificielle s’entraîne, progresse et résout des problèmes sans aucune donnée humaine. Un bouleversement technologique qui soulève autant de promesses que de questions.  

Un système qui s’invente ses propres défis

Et si une intelligence artificielle n’avait plus besoin de nous pour apprendre? Plus besoin de nos données, de nos corrections, de nos exemples? C’est le pari relevé par un groupe de chercheurs chinois avec le développement d’Absolute Zero Reasoner (AZR).

Ce système ne s’appuie sur aucune base de données humaine. Il apprend en autonomie totale, en générant ses propres tâches. Il se met au défi, se corrige et s’évalue lui-même. On appelle cela une self-play loop: une boucle d’auto-entraînement où l’IA joue simultanément les rôles de l’élève et du professeur.

Proposer, résoudre, s’améliorer… sans intervention extérieure

Le fonctionnement d’AZR repose sur un principe simple mais puissant: alterner entre la création de problèmes et leur résolution. D’un côté, le task proposer crée un exercice — par exemple coder une fonction ou résoudre une équation complexe. De l’autre, le task solver tente d’y répondre. Si la réponse est correcte, une récompense est attribuée. Sinon, l’algorithme corrige, ajuste et recommence. 

Ce processus est entièrement autonome et permet au système de s’adapter sans aucune intervention humaine. Il n’a besoin de personne pour apprendre à raisonner.

Raisonnement logique, inductif et abductif

L’un des aspects les plus marquants d’Absolute Zero Reasoner, c’est sa capacité à mobiliser plusieurs formes de raisonnement traditionnellement associées à l’intelligence humaine: la déduction, pour tirer des conclusions logiques à partir d’un ensemble de données; l’abduction, pour formuler des hypothèses à partir d’un résultat observé (comme dans un diagnostic médical); et l’induction, pour généraliser une règle à partir d’exemples.

Ce sont là les piliers de la pensée complexe, de la prise de décision, de l’innovation. Ce que fait AZR, en somme, ce n’est pas simplement exécuter: c’est réfléchir.

Quand la machine commence à surprendre

Plus étonnant encore: AZR ne se contente pas de reproduire ce qu’on attend d’elle. Elle innove, parfois de manière totalement imprévisible. Les chercheurs parlent de comportements émergents: des stratégies inédites, des logiques nouvelles, parfois impossibles à anticiper. Des formes de planification interne ont été observées. Des raisonnements «hors cadre». Une machine qui dépasse les intentions de ses créateurs. Pour les spécialistes, c’est à la fois fascinant… et déroutant.

Vers une IA autonome et incontrôlable?

On entre ici dans un nouveau paradigme. Contrairement à des modèles comme AlphaZero, conçus pour exceller dans un cadre bien défini (comme les échecs), Absolute Zero Reasoner n’a pas de frontières. Elle n’est pas cantonnée à un jeu ou à un domaine. Elle peut coder, résoudre, déduire, abstraire... Et tout cela sans données humaines, sans guidage, sans supervision.

Cela soulève une question essentielle: qui garde le contrôle? Et surtout: jusqu’où peut aller une IA qui apprend seule?

Les créateurs d’AZR sont lucides: une telle avancée exige des garde-fous. Des règles. Un cadre éthique. Car si une machine devient capable de penser seule, de créer seule, de raisonner seule, elle devient aussi capable d’échapper au cadre qu’on lui avait fixé.

On est encore loin d’un scénario de science-fiction. Mais plus près que jamais d’une intelligence artificielle véritablement autonome — avec tout ce que cela implique, pour la recherche, pour l’économie, et pour la société.