Beyrouth à bout de souffle: la colère d'une capitale abandonnée
À Beyrouth, les appels à la sécurité et à des infrastructures dignes n’ont jamais été aussi pressants. La municipalité, ici photographiée la veille du scrutin municipal. ©Ici Beyrouth

À la veille des élections municipales, les habitants de la capitale expriment leur colère face à l'insécurité croissante, la détérioration des infrastructures et la saleté omniprésente. Découvrez leurs témoignages poignants. 

Qu’ils habitent Gemmayzé, Jeitaoui, Achrafieh (Beyrouth 1) ou encore Hamra, Mazraa, Verdun ou Mar Elias (Beyrouth 2), les Beyrouthins ont tous les mêmes exigences, qui pèseront lourd sur les épaules du nouveau Conseil municipal – avec en tête: la sécurité.

Les habitants rencontrés dressent un portrait bien sombre du travail municipal, surtout depuis la crise de 2019.

Certains regrettent même l’époque de l’ancien Premier ministre – assassiné – Rafic Hariri. Habitant de Mazraa, Amer assure qu’«il faisait bon vivre à Beyrouth» en ce temps-là. Il reconnaît amèrement que, malgré l’occupation militaire syrienne, la capitale rayonnait. Au moins, ses routes étaient propres!

Ramener le prestige de l’État et la sécurité

«Ma fille a peur de sortir, même en pleine journée, à cause des vols», confie Amer, qui ne croit pas en ce scrutin. «Ce sont tous des voleurs! Ils savent uniquement asphalter les routes à une semaine des élections», déplore-t-il.

Même constat chez un libraire de Hamra, qui dénonce «l’insécurité croissante». «Avant de faire les comptes, je ferme la porte de la boutique à triple tour, par précaution.»

Habitante d’Achrafieh, Zeina demande simplement de pouvoir se promener «la nuit dans la rue, en toute sécurité, avec son fils».

L’insécurité était au cœur de tous les témoignages, quel que soit le quartier de la capitale. Certains appellent le nouveau Conseil municipal élu à «une coopération étroite entre les gendarmes et la police municipale afin d’effectuer des rondes quotidiennes pour rassurer les citoyens». D’autres encore optent pour des caméras de surveillance pour mettre la main sur ceux qui enfreignent la loi.

Assurer une infrastructure digne de ce nom

«Nous souhaitons une amélioration de l’infrastructure routière», affirment deux dames de Mar Elias rencontrées dans un centre commercial. Hoda raconte que sa voiture lui a coûté un bras «à cause d’un nid-de-poule non réparé par la municipalité». «Mon pneu a été coincé dans un trou», dit-elle, faute d’un éclairage public digne de ce nom.

À Gemmayzé, où la route ressemble à un rodéo depuis la double explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, on entend les mêmes plaintes.

«Il a fallu que le député Nadim Gemayel intervienne personnellement pour que la municipalité daigne envoyer quelqu’un terminer des travaux de canalisation restés en suspens pendant plus d’un mois», révèle Khalil, fleuriste à Jeitaoui. «Chaque jour, un passant trébuche sur ce trottoir défoncé», ajoute une sexagénaire venue acheter des fleurs.

Abla, de son côté, exhorte la municipalité à «désengorger les routes surpeuplées de voitures», surtout sur les axes d’entrée et de sortie de Beyrouth, devenus insoutenables.

Autres points soulevés par tous: le manque de stationnement, les feux de signalisation quasi inexistants, les infractions au code de la route – surtout de la part des motards. Les citoyens appellent les nouveaux élus à «agir».

Un ras-le-bol des mendiants et des déplacés dans les rues

Karim n’a jamais vu Beyrouth aussi «sale». Les déchets «sont ramassés à l’occasion depuis 2020». Dans son immeuble à Verdun, les voisins se cotisent pour que les poubelles soient enlevées tous les jours. Mais il s’interroge: «Qu’est-ce qui me prouve qu’avec un nouveau Conseil municipal, quelque chose va changer?»

Zeina espère vivre dans une ville normale, «propre et où les routes sont éclairées». «Ce n’est pas beaucoup demander avec tous les frais municipaux qu’on nous prélève sans rien en retour», dit-elle, excédée.

«Où que j’aille dans la capitale, c’est peuplé de mendiants et de déplacés syriens. C’est devenu invivable!», confie Samer. «Je ne suis pas chauviniste, mais quand même…», ajoute-t-il avec amertume.

Certains reprochent même aux darak (gendarmes) de «céder à la peur et à la passivité» face aux déplacés clandestins qui rôdent la nuit dans certaines rues.

Mesures urgentes exigées

Le nouveau Conseil municipal de Beyrouth aura du pain sur la planche. Nombreux appellent à «l’élaboration d’un plan de développement urgent et global» à mettre en place dans les premières semaines du nouveau mandat.

En tête de ces mesures: réhabilitation des infrastructures, amélioration des trottoirs et de l’éclairage public, en particulier dans les zones longtemps négligées; réfection des routes, réparation des nids-de-poule, organisation de la circulation des motos.

Ils appellent aussi à garantir des services publics à la hauteur des taxes payées par les citoyens.

Ce qui est certain, c’est que les habitants en ont marre des promesses. Ils exigent des actes concrets, visibles et durables. Le 18 mai, les Beyrouthins sont appelés à voter, mais rien ne garantit que le nouveau Conseil municipal réponde réellement à leurs attentes.

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