Municipales à Zahlé: je t’aime, moi non plus
©Ici Beyrouth

À Zahlé, le théâtre des alliances politiques ressemble à une scène de tragédie grecque. À mesure que l'échéance électorale approche, les alliances se font et se défont dans une course effrénée pour le contrôle du conseil municipal. Ces élections prennent ainsi des allures de puzzle impossible, où chaque pièce semble se dérober à la dernière minute.

Au moment où nous écrivons ces mots, il existe à Zahlé deux listes principales qui s’affrontent pour les municipales: «Qalb Zahlé» (le cœur de Zahlé), menée par Salim Ghazalé et soutenue par les Forces libanaises (FL), et «Zahlé Rou’ya wa Qarar» (Zahlé, vision et décision), menée par Assaad Zgheib, l'actuel président du conseil municipal, soutenue par le député Michel Daher, les Kataëb et l’ancien député César Maalouf.

Le Courant patriotique libre (CPL), le Bloc populaire de Myriam Skaff, et les activistes issus de la révolte du 17 Octobre sont, quant à eux, toujours en quête d'une stratégie claire, n'ayant pas encore pris de décision définitive. Cette hésitation pourrait avoir un impact majeur sur les équilibres de pouvoir à Zahlé, où chaque voix compte.

Cette course municipale ressemble donc plutôt à un: imprévisible, tumultueuse et changeante à la seconde près.

FL et amours contrariés

À la base, les Kataëb et les Forces libanaises (FL) étaient censés faire la course ensemble, mais rien ne s'est passé comme prévu. Lors d’un entretien accordé à une chaîne locale, Sassine Sassine, conseiller des Kataëb, a indiqué que cette coalition n'a pas vu le jour en raison d'un manque de coopération de la part des responsables FL locaux. Pour lui, cette rupture n'est en aucun cas liée à des décisions nationales, mais plutôt à une question de sièges municipaux. La liste de Assaad Zgheib a en effet proposé plus de sièges municipaux aux Kataëb – une offre plus alléchante que celle des FL. Une source proche de «Qalb Zahlé» a confirmé cette version, ajoutant que les Kataëb ont quitté l'alliance parce qu'ils ont obtenu une meilleure offre ailleurs.

Après cet échec, les FL se sont tournées vers Myriam Skaff pour former une coalition alternative, mais là encore, l'accord a rapidement capoté. Dans un communiqué publié après la rupture, les FL disent avoir fait des concessions importantes pour garantir l'entente, allant même jusqu'à sacrifier une partie de leur représentation pour former une liste plus large. Officiellement, les FL attribuent cet échec à des divergences de fond sur la vision, la méthode et peut-être même les intentions.

Résultat: les FL ont lancé leur propre liste, «Qalb Zahlé», dirigée par Salim Ghazalé et comprenant des figures comme Ziad Chaanine, un proche de Skaff, malgré l'effondrement de l'alliance. Une source proche de la liste a déclaré que cela montre que «Qalb Zahlé» n'est pas la liste d'un seul parti, mais bien celle de tous les Zahliotes, avec une moyenne d'âge de 43 ans et six femmes, une première dans l'histoire municipale de la ville».

Le CPL et Skaff: une valse hésitante

Après l'échec de l'alliance avec les FL, le Bloc populaire se retrouve isolé. Quant au CPL, initialement pressenti pour soutenir la liste d'Assaad Zgheib, il semble avoir été écarté de cette alliance, provoquant une restructuration forcée. Le CPL et Skaff ont alors tenté de se rapprocher pour former une troisième liste indépendante, mais cette tentative de coalition a, elle aussi, échoué.

Le CPL envisagerait aujourd'hui de former une troisième liste indépendante, composée de sept candidats, incluant d'anciens membres du conseil municipal et de nouveaux visages, essayant de se frayer une place parmi les 21 sièges municipaux de Zahlé. Mais encore une fois, rien n’est sûr pour le moment...

César Maalouf: un retour inattendu

Après avoir initialement annoncé qu'il resterait en retrait, César Maalouf, ancien membre du bloc parlementaire des FL, a finalement décidé de revenir dans la course municipale. Il a apporté son soutien à la liste d'Assaad Zgheib, critiquant ceux qui, selon lui, cherchent à imposer leurs choix politiques à Zahlé – une pique lancée à ses anciens alliés. Cette décision renforce la liste de Zgheib, qui peut désormais compter sur le soutien des Kataëb, de Michel Daher et de César Maalouf, formant ainsi un bloc plus ou moins solide face à la liste des FL.

La société civile divisée

Les groupes de la société civile ne sont pas en reste. Fragmentés, ils n’ont pas réussi à former une liste unique. Eid Azar, autrefois pressenti pour coopérer avec le Bloc populaire, semble désormais se rapprocher de la liste soutenue par les FL, selon une source proche de cette dernière. Selon cette même source, Eid Azar et les activistes qui lui sont proches examinent encore les programmes proposés par les différentes listes et pourraient encore se rallier à l'une d'entre elles. Celle qui leur paraît la plus innovante, en l'occurrence «Qalb Zahlé».

Un conseil municipal en mode «cocktail»?

Avec ces alliances éclatées et ces coalitions incertaines, le scrutin de dimanche s'annonce explosif. On peut craindre que ce chaos préélectoral ne se traduise par un conseil municipal fragmenté, un véritable «cocktail» de forces politiques disparates incapables de travailler ensemble. Les électeurs, désorientés par cette valse des alliances, pourraient panacher leurs votes, rendant difficile l'émergence d'une majorité cohérente au sein du conseil.

Si certains, comme notre source proche de «Qalb Zahlé», espèrent que tout ce chaos se dissipera le soir du 18 mai, la réalité pourrait être tout autre: un conseil municipal instable, où chaque décision serait un bras de fer permanent entre factions opposées… voire un risque réel d’éclatement. 

En attendant, Zahlé, centre historique de la Békaa, se retrouve au cœur de toutes les incertitudes, où les alliances se nouent et se dénouent à la vitesse d'une tempête de montagne.

Commentaires
  • Aucun commentaire