
Avec la multiplication des fortes chaleurs sous l'effet du dérèglement climatique, le sommeil risque de souffrir de plus en plus et des scientifiques explorent les mécanismes permettant à l'organisme de mieux s'adapter.
«Il y a une augmentation croissante des publications internationales sur le sommeil et la température, la dernière en 2024 portant sur l'hygiène du sommeil face à la chaleur», a déclaré à l'AFP le Dr Fabien Sauvet, chercheur à l'université Paris Cité.
Le cerveau, où les neurones régulant température et sommeil sont très connectés, est très sensible à la chaleur. La forte chaleur fait monter le thermostat central et active des systèmes de stress.
À cause de la hausse des températures, les humains auraient perdu en moyenne 44 heures annuelles de sommeil lors des deux premières décennies du XXIe siècle par rapport aux périodes antérieures, selon une étude publiée en 2022 dans la revue One Earth.
L'accentuation du réchauffement climatique pourrait entraîner jusqu'à 50 à 58 heures de sommeil perdues par personne et par an d'ici 2099, d'après ces travaux pilotés par Kelton Minor (université de Copenhague), fondés sur les données de plus de 47.000 porteurs de bracelets connectés dans 68 pays, croisées avec des données météorologiques.
«La hausse des températures induite par le changement climatique et l'urbanisation constitue une menace planétaire pour le sommeil» a confirmé une revue de la littérature scientifique publiée mi-2024 dans Sleep Medicine. «D'autres études et des expériences sont désormais urgemment nécessaires pour favoriser l'adaptation», ont jugé ses auteurs, dont Kelton Minor.
Pour s'endormir et dormir au mieux, l'une des conditions est de faire baisser son thermostat interne.
«L'acclimatation physiologique à la chaleur a un coût pour le corps: on transpire plus, et plus vite, par exemple mais il faut s'hydrater davantage. Et elle a des limites, de sorte qu'en période de canicule, l'essentiel est de modifier son comportement (activités, rythmes, vêtements...)», a noté le Dr Sauvet.
On peut cependant «tolérer des températures plus élevées qu'on ne le pense communément», selon lui.
«Nombre d'études en laboratoire, comme avec des sportifs avant les Jeux olympiques de Paris 2024, montrent qu'une belle qualité de sommeil est possible lorsque la température de la pièce, bien aérée, est entre 24 et 26 degrés Celsius, jusqu'à 28 degrés, si l'on dort en short et en tee-shirt avec juste un drap», a détaillé le Dr Sauvet, réfutant «la fausse croyance que la chambre doit être à 18-20 degrés».
Et «si on dort tout le temps avec de la climatisation, on ne va jamais s'acclimater», a-t-il prévenu.
Combattre les «ennemis du sommeil»
Si «jusqu'à 28 degrés environ, on peut arriver à bien dormir, au-delà cela devient beaucoup plus compliqué», a précisé à l'AFP Armelle Rancillac, chercheuse en neurosciences Inserm au Collège de France.
Or une privation excessive de sommeil par rapport aux besoins perturbe la récupération de l'organisme.
À court terme, les principaux effets documentés sont cognitifs: somnolence, fatigue, risque d'accidents du travail ou de la circulation. À long terme, cela peut engendrer une «dette» nocive, et pas seulement pour les plus vulnérables (seniors, jeunes enfants, malades chroniques...).
«Cela joue sur notre métabolisme, favorisant la prise de poids, le développement du diabète, des maladies cardio-vasculaires, voire des maladies neurodégénératives comme Alzheimer», a résumé la neuroscientifique.
Cette dette peut aussi diminuer la résistance au stress et augmenter le risque de rechute ou d'ancrage d'une pathologie mentale.
Pour mieux dormir par forte chaleur, l'objectif est de «renforcer les mécanismes faisant fluctuer notre température lors des cycles jour/nuit et d'éliminer, ou au moins faire attention, aux ennemis du sommeil», selon Armelle Rancillac.
Avant le coucher, il est conseillé de prendre une douche fraîche mais pas glacée, de diminuer les excitants, comme le café, de limiter l'alcool, qui favorise l'endormissement mais augmente légèrement la température interne.
Et «après une séance de sport, surtout pas de jacuzzi, mais plutôt s'exposer à la température extérieure ou prendre des bains froids», a conseillé le Dr Sauvet.
Pour limiter l'impact du manque de sommeil nocturne, les bienfaits de la sieste, aux heures les plus chaudes du jour, ont été prouvés.
Pour ne pas altérer la nuit suivante, l'idéal est «une sieste courte, de 30 à 40 minutes, et avant 14h», selon le chercheur.
Et pourquoi pas dans un hamac, qui, «à la différence d'un matelas en mousse, n'accumule pas la chaleur du corps au fil des heures», ou dans un caisson de sommeil, comme il en existe déjà dans quelques hôpitaux pour les personnels.
Par Isabelle CORTES / AFP
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