
Dans quelques jours, les électeurs de Batroun et de tout le Liban-Nord se rendront aux urnes pour élire leurs conseillers municipaux et mokhtars.
La municipalité de Batroun, deuxième plus grande du caza – qui compte 31 municipalités – après celle de Tannourine, comprend 15 sièges. Reconnue pour son dynamisme touristique et culturel, elle suscite un vif intérêt, d’où l’importance d’une gouvernance locale efficace et transparente.
Dans la ville de Batroun, le président sortant du conseil municipal et de la fédération des municipalités de Batroun, Marcellino el-Harek, proche du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, brigue un nouveau mandat à la tête de la liste «Tous pour Batroun». Celle-ci rassemble des représentants de partis traditionnellement opposés – Forces libanaises (FL), CPL et Marada –, tout en se revendiquant «non partisane». Son programme met l’accent sur le développement local, l’éducation (avec la promesse de création d’un lycée technique), la culture, le sport et les métiers artisanaux. Pour la première fois, un représentant arménien y figure.
Malgré cette apparente unité, des voix s’élèvent pour dénoncer une mainmise des partis politiques et un manque de transparence dans la formation des listes. Les candidats de la liste «Les fidèles de Batroun» critiquent la politisation du scrutin et appellent à un vote libre, fondé sur les programmes et non sur les alliances partisanes. La liste qui fait face à celle regroupant des partis est présidée par l’avocat Michel el-Deghel et n’est toujours pas complète à l’heure actuelle.
Rejet de la mainmise partisane dans les villages
Dans les villages du caza, l’ambiance est bien différente. Les élections s’y annoncent comme de véritables batailles, non pas tant entre partis politiques qu’entre grandes familles locales. Si les formations politiques tentent d’imposer leur influence, les dynamiques traditionnelles prennent souvent le dessus.
À Assia, Chatine ou Deir Bella, des listes concurrentes issues d’un même parti s’affrontent, révélant des rivalités à caractère familial. Même dans des villages politiquement homogènes – comme ceux majoritairement acquis aux FL –, les logiques claniques priment souvent les consignes partisanes.
Ce phénomène nourrit un rejet croissant de la mainmise des partis sur les affaires municipales. Dans plusieurs localités, les familles dénoncent leur «ingérence» et refusent que les décisions locales soient dictées par des logiques politiques nationales. À Kfour, par exemple, les FL sont accusées d’imposer leurs choix sans concertation, poussant certaines figures locales à se rapprocher du CPL pour rétablir un équilibre.
À Chekka, héritage familial et clientélisme
À Chekka, la compétition oppose une liste soutenue par les FL et les Kataëb à une autre conduite par Iskandar Farjallah el-Kfoury, fils du président sortant, soutenue par le CPL et les Marada. Si l'affrontement semble politique, il est en réalité profondément ancré dans des dynamiques familiales.
Les opposants au président en poste depuis vingt-sept ans dénoncent un système clientéliste et souhaitent tourner la page d’une «vieille garde». Chekka, qui ne fait pas partie de la fédération des municipalités de Batroun pour des raisons financières (elle refuse de verser toute contribution financière à la fédération), est également au cœur de préoccupations environnementales: elle abrite plusieurs cimenteries et a été à plusieurs reprises pointée du doigt pour des extractions illégales de sable sur son littoral, dénoncées par des ONG.
Tannourine: un vent de renouveau?
Quant à Tannourine, la plus grande municipalité du caza (18 membres), le scrutin semble annoncer un renouvellement générationnel. Une liste composée majoritairement de jeunes et de femmes, soutenue par Majd Harb et les FL, affronte une coalition d’indépendants et de figures proches du CPL. Les FL apparaissent comme les favoris, et l’émergence de nouveaux profils traduit une volonté de modernisation de la scène politique locale. La famille Harb y exerce une influence durable, y compris en 2016, lorsqu’elle avait affronté une alliance réunissant le CPL et les FL.
À Douma, où le conseil municipal compte 15 membres, un consensus semblait se dessiner autour de Zeina Ayoub, soutenue par l’ensemble des composantes sociales du village. L’entrée en lice de candidatures individuelles a toutefois transformé l’échéance en une véritable confrontation électorale.
Alors que la ville de Batroun donne l’image d’un front politique uni tourné vers le développement, les villages du caza continuent de vivre les municipales comme des luttes claniques et familiales. Si les partis politiques y jouent un rôle non négligeable, ils doivent souvent composer avec des traditions locales profondément enracinées, où le nom de famille reste un critère électoral déterminant.
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