Interview-choc: le prince Harry s'épanche, la Couronne s'agace
Le prince Harry, duc de Sussex, salue en quittant la Royal Courts of Justice, la Haute Cour de justice britannique, dans le centre de Londres, le 9 avril 2025, à l'issue de la deuxième journée de son procès en appel concernant la réduction de sa sécurité personnelle lors de ses visites en Grande-Bretagne. ©Henry NICHOLLS/AFP

Dans un entretien empreint de gravité accordé à la BBC, le prince Harry a exprimé son souhait d’une «réconciliation» avec la famille royale britannique, tout en reconnaissant la profondeur des fractures. Cette déclaration survient peu après le rejet de son recours contre le retrait de sa protection policière au Royaume-Uni, un différend qui, selon lui, complique tout contact avec son père, le roi Charles III.

«La vie est précieuse. Je ne sais pas combien de temps il reste à mon père», a confié le duc de Sussex, évoquant le diagnostic de cancer du souverain révélé en février 2024. Exilé aux États-Unis depuis 2020 avec son épouse Meghan Markle et leurs deux enfants, Harry s’est montré très critique envers la monarchie à travers plusieurs documentaires, une interview avec Oprah Winfrey et son autobiographie Spare. Le fossé avec la Couronne s’est alors davantage creusé, plus particulièrement avec le prince William, héritier du trône, avec qui les liens sont désormais quasi inexistants.

Les déclarations du prince Harry interviennent dans un contexte judiciaire tendu, marqué par le rejet de son recours contre la décision du Home Office de lui retirer sa protection policière au Royaume-Uni depuis son retrait de la vie royale en 2020. Déplorant un jugement «profondément décevant», le duc de Sussex a dénoncé à la BBC une décision motivée, selon lui, par une volonté de contrôle de la part de l’institution monarchique, pointant notamment l’inaction du roi Charles III. Il a comparé cette affaire à un «stitch-up» orchestré par l’establishment. La Cour d’appel, elle, a jugé cette suppression de protection «prévisible» et parfaitement légale. Conscient de l’ampleur des ruptures familiales, Harry a admis que certains proches ne lui pardonneraient jamais, allant jusqu’à douter de pouvoir un jour ramener ses enfants au Royaume-Uni.

Si la presse britannique a majoritairement accueilli les propos du prince Harry avec scepticisme, certaines voix dissonantes ont exprimé de l’empathie, à l’image de Liz Jones, éditorialiste au Daily Mail – habituellement critique envers le couple Sussex. Dans une tribune inhabituelle, elle confie avoir été profondément émue: «Je suis en larmes. […] J’ai rarement vu une figure publique, encore moins un prince, parler avec autant de sincérité.» Elle décrit un homme «profondément triste, non plus amer, mais tendant la main», notamment lorsqu’il évoque la maladie de son père: «Je ne sais pas combien de temps il lui reste.» Pour elle, l’amour filial est indéniable, mais Harry semble «condamné à la déception» dans une relation rompue avec un père qui «d’un simple geste, pourrait tout résoudre». Elle conclut que si Charles et William ignorent cette main tendue, ils apparaîtront «mesquins et vindicatifs» – ce que l’opinion publique ne pardonnerait pas. Et d’ajouter: «Si la défunte reine Élizabeth II était encore en vie, elle ferait le premier pas et embrasserait son petit-fils.»

À rebours de certaines réactions empreintes d’émotion, de nombreuses voix proches du palais ont vivement critiqué la démarche du prince Harry, jugée inopportune et contre-productive. Officiellement, Buckingham Palace a rappelé que «toutes ces questions ont été examinées à de multiples reprises par les tribunaux». Mais en privé, le ton est plus sévère. Un proche du roi a confié à The Sun que Charles se sentait «frustré et peiné» par l’attitude de son fils, lui reprochant de bafouer l’impartialité constitutionnelle et de vouloir imposer un coût injustifié aux contribuables. D’autres sources citées par ITV News ont dénoncé une nouvelle atteinte à la confidentialité, estimant que la défunte reine aurait été «horrifiée» par cette médiatisation. Ailsa Anderson, ex-attachée de presse d’Élizabeth II, a jugé que les révélations sur la santé du roi risquaient d’alimenter des spéculations nuisibles: «Si l’on souhaite réellement renouer des liens, cela ne se fait pas devant les caméras.» Un conseiller royal a résumé: «Le roi est un homme bienveillant, accablé par de lourdes responsabilités. Il n’avait nul besoin de ce tumulte causé par son propre fils.»

Dans les heures suivant l’interview-choc du prince Harry, Meghan Markle a publié sur Instagram une photo en noir et blanc montrant son mari avec leurs enfants dans un cadre bucolique. Perçue par certains comme un soutien discret, l’image a aussi été interprétée comme un geste de défi. «C’est un immense bras d’honneur, non?», aurait commenté un proche du palais auprès de la journaliste Rebecca English. Le psychiatre britannique Dr Raj Persaud y voit une forme de «chantage émotionnel» visant à susciter une réaction de la famille royale. Selon lui, l’impossibilité alléguée de joindre le roi, combinée aux révélations sur sa santé et l’éloignement des enfants, pourrait être une tentative de «forcer l’attention» du Palais. Cette lecture trouve un écho dans les cercles monarchistes, qui accusent le couple Sussex d’instrumentaliser l’opinion publique faute de dialogue privé. «Le message sous-jacent semble être: prenez-moi au sérieux, ou j’en viendrai à nuire à l’institution», conclut Dr Persaud.

Du côté de Buckingham Palace, la vie royale suit son cours avec une sérénité affichée. En contraste saisissant avec les déclarations publiques du duc de Sussex, les figures majeures de la monarchie – le roi Charles III, la reine Camilla, le prince et la princesse de Galles, ainsi que d'autres membres éminents de la famille royale – ont fait front uni depuis le balcon du palais pour commémorer le VE Day, saluant une foule enthousiaste dans une mise en scène empreinte de solennité, de glamour et de continuité monarchique. Une image de stabilité, soigneusement cultivée, face aux turbulences familiales désormais médiatisées.

 

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