Crise à Hollywood: les droits de douane de Trump sèment la panique
Un homme passe devant des affiches de films au cinéma AMC de Montebello, en Californie, le 5 mai 2025. ©Frederic J. BROWN / AFP

C’était au tour d’Hollywood mardi de réagir aux annonces du président américain de taxer les films produits à l’étranger de 100% de droits de douane, disant craindre une nouvelle crise pour un secteur déjà affaibli. En attendant, un porte-parole de la Maison Blanche tempère en assurant «qu'aucune décision n'a été prise» pour l’heure, ajoutant que «l'administration explore toutes les options». 

Le scepticisme règne à Hollywood face aux droits de douane de 100% voulus par Donald Trump sur les films produits hors des États-Unis, une idée que professionnels et experts considèrent comme inadaptée aux besoins de l'industrie audiovisuelle américaine.

«Ça n'a aucun sens», dit à l'AFP Jonathan Handel. Cet avocat spécialisé rappelle que de nombreuses productions américaines, de James Bond en passant par la saga Mission Impossible, sont tournées à l'étranger pour d'évidentes raisons créatives.

«Si une cascade prévoit que Tom Cruise escalade la Tour Eiffel, qu'est-ce qu'on est censé faire?», s'interroge-t-il. «Filmer ça sur la réplique de la Tour Eiffel à Las Vegas? C'est tout simplement absurde.»

Donald Trump a indiqué dimanche que son gouvernement entamait «immédiatement le processus d'instauration de droits de douane de 100%» sur les films diffusés aux États-Unis mais produits à l'étranger.

L'annonce a plongé l'industrie dans l'incertitude: les studios voient leurs actions chuter en bourse, les syndicats tentent de comprendre cette décision, notamment si elle s'applique aussi aux séries. Et tous se demandent si elle est même applicable.

Un film «relève de la propriété intellectuelle», pointe M. Handel. «Vous pouvez acheter un billet de cinéma, mais vous n'achetez pas un film comme vous achetez un vêtement ou une voiture».

Et les droits de douane «feraient plus de mal que de bien», estime l'avocat: «cela aurait pour conséquence de réduire la production, d'augmenter le coût des films, de réduire le nombre de films disponibles pour les salles de cinéma et les plateformes de streaming, ce qui nuirait à la distribution».

«Semer la confusion»

Le message présidentiel a provoqué des réunions de crise à Hollywood, selon la presse spécialisée. «Je n'y vois pas d'autre objectif que de semer la confusion et de détourner l'attention», commente ainsi le responsable d'un grand distributeur américain auprès du site Deadline.

«Espérons que cela ne fera qu'encourager les États américains à mettre en œuvre dès que possible les augmentations indispensables de leurs crédits d'impôts», ajoute-t-il.

Le gouverneur démocrate de Californie a saisi la balle au bond, proposant à M. Trump de mettre en place un plan fédéral de 7,5 milliards de dollars pour soutenir le secteur, sous forme de crédit d'impôt. «La Californie est totalement favorable à l'idée d'attirer davantage de tournages», a affirmé Gavin Newsom, cité par le New York Times.

Car si le remède proposé par Donald Trump divise, le diagnostic d'une production audiovisuelle américaine moribonde est largement partagé.

Depuis les grèves historiques des acteurs et scénaristes qui ont paralysé l'industrie en 2023, Hollywood a du mal à redémarrer.

À Los Angeles, le nombre de jours de tournages a atteint un plus bas historique en 2024 - si l'on exclut le gel complet de la production provoqué par la pandémie en 2020.

Cela est notamment dû à la délocalisation de nombreuses productions, que les studios tournent de plus en plus dans des pays leur offrant des avantages fiscaux alléchants comme la Thaïlande, la Hongrie ou l'Afrique du Sud.

L'Australie, qui recourt aussi à ces incitations, a affirmé mardi par la voix de sa ministre des Affaires étrangères Penny Wong qu'elle voulait toujours faire des «films formidables» avec les États-Unis

Auprès de Deadline, un financier du cinéma américain se dit «d'accord avec l'objectif» de M. Trump. Mais «il est évident que ce sont des crédits d'impôts qu'il faut, pas des droits de douane», souligne-t-il. «Les droits de douane ne feront qu'étouffer ce qu'il reste de l'industrie.»

«Réponse fédérale équilibrée»

Un porte-parole de la Maison Blanche a assuré lundi «qu'aucune décision n'a été prise» et que «l'administration explore toutes les options».

«Je ne cherche pas à nuire à l'industrie, je veux l'aider», a affirmé Donald Trump à la presse, en annonçant qu'il allait prochainement rencontrer des représentants du secteur.

Les studios se sont pour l'instant gardé de réagir. Quant aux syndicats, ils adoptent un langage prudent.

Celui des acteurs, le SAG-AFTRA, «soutient les efforts visant à accroître la production cinématographique, télévisuelle et en streaming aux États-Unis» et est «impatient d'en savoir plus».

«Les États-Unis ont besoin d'une réponse fédérale équilibrée pour ramener les emplois dans le cinéma et la télévision », estime de son côté l'IATSE, le syndicat des métiers techniques d'Hollywood.

Par Romain FONSEGRIVES /AFP

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