
À 29 ans, Yann Antonio danse le hip-hop devant des orchestres symphoniques dans les plus prestigieuses salles d'Europe. Un rêve devenu réalité après dix ans d’obstination.À 29 ans, Yann Antonio improvise du hip-hop sur du Bach. Une fusion rare, saluée en Europe.
«Tout est possible.» À la Philharmonie de Berlin ou à l'Alte Oper de Francfort, Yann Antonio, danseur hip-hop de 29 ans, réalise son rêve, après dix ans de travail acharné: il se produit avec un orchestre symphonique dans les plus belles salles d'Europe.
«Moi, un danseur de hip-hop, dans des salles comme ça! Des musiciens rêveraient de jouer là!», s'exalte Yann Antonio, rencontré par l'AFP il y a quelques mois à Persan, la ville du Val-d'Oise où il a grandi, en banlieue parisienne.
En costume noir ou blanc, baskets aux pieds, le danseur surgit sur scène devant l'orchestre autrichien K&K Philarmoniker lors de concerts en Allemagne en ce début mai.
En synergie avec les notes de musique classique jouées par l'orchestre derrière lui, le danseur d'origine congolaise enchaîne des mouvements hip-hop totalement improvisés pour mieux «ressentir la musique», souligne-t-il.
Sur les réseaux sociaux, l'une de ses prestations cumule les sept millions de vues.
Dix ans auparavant, il placardait une affiche d'orchestre dans sa chambre, à Persan.
«C'était juste une vision», raconte-t-il, mais «là où je danse» maintenant, «c'est dix fois plus beau que ce que j'imaginais».
Son «âme d'enfant» lui a toujours laissé croire «que c'était possible».
«Inspirant» selon Loïc Mabanza, son frère aîné, Yann s'est fait une place dans un «milieu fermé» pourtant, armé de sa «détermination» et l'envie «d'apporter quelque chose de différent», note le cadet.
En 2021, il dansait au milieu des immeubles de son quartier et n'y connaissait «rien à la musique classique».
Pourtant, dès petit, il baigne dans la musique: grand-mère danseuse et grand-père musicien au Congo, mère chanteuse de gospel à l'église de Persan.
De la fratrie de cinq enfants, dont Yann est l'avant-dernier, quatre sont danseurs.
C'est Loïc Mabanza, son grand frère, devenu danseur pour Chris Brown, Usher et même Madonna en 2012, qui l'inspire.
Yann a «toujours voulu faire» comme son aîné, aujourd'hui acteur de cinéma aux États-Unis, pour qui le plus jeune «est un modèle de réussite».
Jouant au football dès 8 ans, avec un «potentiel» pour faire carrière selon Laura, sa sœur cadette, Yann lâche tout à 14 ans pour la danse.
Après l'obtention de son bac, il arrête l'école, puis part, à 20 ans, pour Los Angeles.
Il enchaîne les castings, en vain. Il lui manque cette «flamme», qu'il ne trouve qu'en 2014 en découvrant le danseur américain Lil Buck, seul artiste urbain connu à danser sur fond de musique classique.
«Tout s'est aligné», sourit Yann: la même année, le directeur du conservatoire de Persan, désireux d'organiser un «événement différent», le contacte.
Le «déclic»: le concert dans la salle des fêtes de sa ville lui donne envie de «rêver grand».
Contraste inattendu
Julie Sevilla-Fraysse, violoncelliste, joue du Bach, Yann danse du hip-hop. Ou plutôt «la danse qu'il a lui-même créée», précise cette musicienne, sa première collaboratrice en 2019. Un «contraste qu'on n'attend pas» à l'Opéra de Paris, dit-elle, décrivant un «bosseur acharné».
Pourtant sa carrière ne décolle pas. Pour vivre, il est animateur pour enfants, surveillant de collège, travaille dans une chaîne de restauration rapide...
En 2021, le Covid le freine et il perd son père.
Puis l'étincelle: Matthias Georg Kendlinger, fondateur de l'orchestre K&K Philarmoniker, le contacte sur Instagram après avoir visionné une prestation avec Julie Sevilla-Fraysse.
L'artiste foule, pour la première fois, la scène d'une salle autrichienne en novembre 2023, avant d'enchaîner en 2024 avec deux dates à Berlin et Hambourg.
Défiant les «a priori», Yann veut «ouvrir les esprits», dit-il, les yeux brillants.
«Définition de la persévérance» selon sa cadette Laura, 27 ans, qui vit avec lui à Persan, «il inspire et donne l'exemple aux jeunes» de sa ville. «Même ceux qui tombent dans la délinquance, en leur montrant qu'il faut croire en ses rêves», dit-elle.
A Persan, Yann enseigne la danse et a créé en 2019 Givin Back une association de distribution alimentaire.
Aujourd'hui encore, dans sa chambre, Yann a fixé «ses objectifs sur un tableau», dit Laura. Danser à l'ouverture des Césars, participer au show américain d'Ellen Degeneres, se produire dans le monde entier...
En dansant avec un orchestre «j'ai coché une case», preuve que «les autres rêves que j'ai sont possibles», sourit Yann.
Avec AFP
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