Municipales: un enjeu bien au-delà d’un simple scrutin local
©Ici Beyrouth

Ce sont des élections municipales pas tout à fait comme les autres qui ont été lancées ce dimanche 4 mai, avec un premier round électoral organisé dans la région cruciale du Mont-Liban. Si ce scrutin spécifique et ceux qui seront organisés dans les prochaines semaines dans les autres régions pourraient être – ou devraient être – quelque peu différents de tous ceux qui les ont précédés, c’est essentiellement parce qu’ils se déroulent cette fois dans un contexte global en pleine mutation. Et ce, tant sur le plan local que régional, et même international.

Percevoir la réalité d’une telle conjoncture changeante, c’est reconnaitre l’émergence d’un nouveau rapport de force, de nouvelles règles du jeu qui devraient ouvrir des perspectives différentes de celles qui paralysaient la vie politique jusqu’à une période récente.

Certes, les élections municipales sont le plus souvent tributaires, surtout dans les villages, de sensibilités, de calculs et de relations à caractère familial, clanique ou purement local. Mais les récents bouleversements qui ont modifié les données géopolitiques sur la double scène libanaise et proche-orientale ont incontestablement insufflé un souffle nouveau macro-politique à ces élections municipales, du moins au niveau des grandes agglomérations.

Deux paramètres s’imposent d’emblée dans le contexte présent. D’une part, les grandes formations et les personnalités du camp souverainiste ont vu leur position renforcée du fait des derniers développements, plus particulièrement après la chute du régime de Bachar el-Assad. D’autre part et d’une manière concomitante, suivant le principe des vases communicants, l’axe dit «obstructionniste», télécommandé par Téhéran, sort considérablement affaibli du dernier bras de fer avec Israël. Ce paysage politique devrait, en principe, avoir un impact sur la physionomie politique des grandes municipalités. 

Un bémol devrait toutefois être apporté à cette lecture schématique. Au sein du camp souverainiste, des règlements de compte politiciens et de petits calculs réducteurs, partisans ou personnels pourraient atténuer l’impact positif du nouveau rapport de forces sur le bilan global des municipales.

Quant à la faction gravitant dans l’orbite des Pasdaran, elle est effectivement en perte de vitesse. Mais le Hezbollah détient encore une force de coercition non négligeable du fait de son obstination, sans doute télécommandée par les Gardiens de la révolution islamique, à ne pas se conformer totalement aux dispositions de la résolution 1701 du Conseil de sécurité et de l’accord de cessez-le-feu conclu avec Israël en décembre dernier.

Il en résulte que le tandem Hezbollah-Amal pourrait être en mesure de limiter les «dégâts», à ses yeux, dans «ses» régions lors de ces élections municipales. De même qu’il pourrait aussi, grâce à des complicités locales, influer sur les résultats enregistrés par le camp souverainiste. Un commentateur proche du Hezbollah dénonçait à cet égard, il y a quelques jours,, sur la chaîne Al-Manar l’alliance apparue dans certaines agglomérations importantes entre les Forces libanaises, les Kataëb et des grandes familles politiques, appelant à «réagir fermement» contre de telles coalitions!

Il reste que malgré ce double bémol, l’importance des scrutins qui marqueront ce mois de mai se situe bien au-delà de l’enjeu simplement électoral. Pour la première fois peut-être dans l’histoire contemporaine du pays du Cèdre, et à la condition que l’impact du nouveau rapport de force sur la scène locale ne soit pas annihilé par les petits réflexes réducteurs, une dynamique pourrait être enclenchée sur la voie d’une réelle décentralisation élargie qui devrait dépasser le seul cadre administratif.

Il est grand temps, à la lumière des fâcheuses épreuves et expériences de ces dernières décennies, que les municipalités, plus particulièrement les fédérations de municipalités, puissent enfin bénéficier de prérogatives élargies et de leurs propres moyens financiers afin d’initier de véritables plans de développement social, économique et culturel au niveau des villages, des agglomérations et des régions.

Le Liban est connu pour être une mosaïque communautaire et socio-culturelle, perçue comme une inestimable source de richesse. Quoi de plus rationnel, de ce fait, que les conseils municipaux et les fédérations de municipalités soient dotés des outils juridiques et de larges moyens financiers et logistiques leur permettant de refléter de manière autonome, dans la vie quotidienne des habitants, cette mosaïque qu’il est désormais foncièrement absurde d’occulter?

Le pluralisme au Liban est une réalité qui remonte très loin dans l’histoire. Le diaboliser, comme le font certaines factions sectaires qui le mettent en pratique de manière pernicieuse tout en le dénonçant publiquement, revient à mettre en péril les spécificités sociétales enrichissantes propres au pays du Cèdre.  

 

 

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