
À Sarcelles, les ateliers de la Comédie-Française viennent d’être rénovés pour conjuguer création théâtrale et engagement environnemental. Lieu de transmission artisanale, ces bâtiments donnent vie à chaque saison aux décors des plus grandes pièces du répertoire.
Depuis des décennies, ils donnent vie aux rêves des scénographes. À Sarcelles, les ateliers de fabrication des décors de la Comédie-Française, visités récemment par l’AFP, viennent de faire peau neuve avec une ambition affirmée: inscrire davantage leur activité dans une démarche écologique.
On entre dans ce lieu discret par l’un des trois bâtiments situés dans une rue calme de cette ville en proche banlieue parisienne. Une trentaine d’artisans — machinistes, menuisiers, serruriers, décorateurs — s’activent autour des éléments que le public découvrira la saison prochaine sur les planches des trois salles de la maison de Molière.
«Le point de départ d’un décor? Le bureau d’études», explique Benoît Simon, directeur technique de la Comédie-Française. C’est là que sont réceptionnés les projets des scénographes, accompagnés de maquettes, croquis et plans techniques.
Vient ensuite la phase de construction métallique et bois. En parallèle, les tapissiers confectionnent les toiles qui habilleront les éléments en bois ou autres structures souples: tissus, velours, voilages. Puis le décor passe entre les mains des peintres et sculpteurs avant d’être assemblé dans la salle de montage par les machinistes.
Il s’écoule environ un an et demi entre la réception du projet et la première représentation. Les décors sont acheminés sur place par camion un mois avant le début des répétitions, tout comme les décors dits de «répétition», des structures simplifiées reproduisant les volumes de la scène.
L’une des contraintes majeures? Construire des décors légers. Montage et démontage doivent pouvoir se faire en moins d’une heure, pour respecter le principe d’alternance en vigueur salle Richelieu : des spectacles différents chaque soir, entrecoupés de répétitions l’après-midi.
Lors de notre visite, un serrurier assemble des châssis en bois et aluminium pour une pièce dont le titre reste confidentiel, secret de programmation oblige. Un peu plus loin, trône une imposante statue représentant une chienne, personnage clé de Hécube, pas Hécube de Tiago Rodrigues (2024), fraîchement posée sur un nouveau plateau à roulettes pour faciliter sa tournée à Barcelone. Joseph Lapostolle, adjoint au service décoration, peinture et sculpture, ne tarit pas d’éloges sur la complexité de sa fabrication.
Techniques anciennes et gestes d’avenir
Le sol de la salle de montage est plat, mais peut être incliné grâce à un système de balançoire pour simuler la pente de 4 % du plateau de la salle Richelieu, une contrainte prise en compte dès la conception. «Sinon, nos décors penchent et ne tiennent pas en place», précise Benoît Simon.
Au fond de l’atelier, une peintre ravive les couleurs d’une fausse façade de maison, réutilisée pour un nouveau spectacle, une forme de recyclage qui séduit désormais aussi d’autres théâtres et maisons d’opéra. «Les décors du Malade imaginaire de 2001 tournent encore 24 ans plus tard», glisse-t-il.
Occupées à reproduire le cadre d’un faux miroir, Marion Dassonville et Elizabeth Leroy expliquent délaisser la peinture acrylique pour revenir à des méthodes plus traditionnelles, comme la peinture à la caséine, plus naturelle.
Les lieux servent également d’espace de stockage. Dans un bâtiment adjacent, le machiniste Laurent Levasseur montre les grandes caisses numérotées contenant le matériel de pièces phares: «Là, c’est Cyrano de Bergerac, ici Scapin, plus loin Le Mariage forcé, et là Tartuffe.»
Datant des années 1980, les bâtiments ont nécessité une importante mise aux normes, aboutissant à des travaux de rénovation achevés en 2024 pour un montant de 7,5 millions d’euros hors taxes, dont 5,6 millions financés par le ministère de la Culture.
«Les façades ont été isolées avec des caissons en bois remplis de paille, un choix à la fois durable et efficace pour la décarbonation», détaille Delphine Cedenot, responsable du chantier. À l’intérieur, tout le parc de machines-outils a été remplacé et le système d’aspiration des poussières intégralement refait, afin d’améliorer la sécurité et les conditions de travail.
Prochain chantier écologique : l’installation de 650 panneaux solaires photovoltaïques sur les toits, pour viser l’autonomie énergétique. Encore faut-il réunir les financements nécessaires.
Par Karine PERRET / AFP
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