
Les forces de sécurité syriennes se sont déployées mercredi près de Damas après des heurts meurtriers entre combattants druzes et islamistes liés au pouvoir, l’ONU dénonçant ces violences «inacceptables» mais aussi l’intervention militaire d’Israël.
Affirmant vouloir défendre la communauté druze, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a mené des frappes sur le secteur des combats et menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.
Ces affrontements ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait plus de 1 700 morts, en grande majorité parmi la minorité alaouite dont était issu le président déchu Bachar al-Assad, renversé en décembre par la coalition islamiste au pouvoir.
Déclenchés lundi soir dans la localité à majorité druze de Jaramana, une banlieue de Damas, les heurts entre groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite et combattants druzes se sont étendus mercredi à Sahnaya, faisant 22 morts — tous des combattants — selon les autorités et l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Les combats à Jaramana ont fait 17 morts d’après l’OSDH.
Les forces de sécurité ont annoncé se déployer à Sahnaya pour «rétablir l’ordre» après les violences impliquant les druzes, une minorité ésotérique issue de l’islam chiite dont les membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.
Le ministère de l’Intérieur a averti que les autorités «frapperaient d’une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie».
Il a mis en cause des «groupes hors-la-loi» ayant pris pour cible «des postes et barrages» des forces de sécurité aux abords de Sahnaya, une localité située à 15 km au sud-ouest de Damas et où vivent des druzes.
Le pouvoir du président Ahmad al-Chareh a aussi réaffirmé son «engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien sans exception, y compris la communauté druze», selon un communiqué des Affaires étrangères.
Il a exprimé «son rejet catégorique de toute ingérence étrangère» après l’intervention militaire israélienne.
«Les obus tombent»
«Nous n’avons pas dormi de la nuit (…) les obus tombent sur nos maisons», a raconté à l’AFP Samer Rafaa, un habitant de Sahnaya. «Où sont les autorités ? Nous les implorons d’assumer leur rôle. Les gens meurent et nous avons des blessés».
Un accord mardi soir entre des représentants du gouvernement syrien et les responsables druzes de Jaramana a mis fin aux affrontements dans cette localité. Selon l’OSDH, des tirs sporadiques sont encore entendus à Sahnaya.
L’attaque contre Jaramana a été menée par des groupes affiliés au pouvoir après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet.
L’AFP n’a pas pu vérifier l’authenticité du message et les chefs spirituels de la minorité druze ont condamné toute atteinte au prophète.
L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, s’est dit «alarmé» par le «potentiel d’escalade supplémentaire d’une situation extrêmement fragile» après les violences autour de Damas et a exigé que cessent les attaques israéliennes.
Les druzes d’Israël forment une minorité arabophone d’environ 150 000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l’armée et la police par rapport à leur nombre.
«Alliés locaux»
Mercredi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Israël Katz ont annoncé conjointement que l’armée avait mené «une action d’avertissement» contre un «groupe extrémiste qui se préparait à attaquer la population druze de Sahnaya».
L’armée israélienne a annoncé que ses forces étaient prêtes à frapper des cibles du pouvoir syrien si «la violence contre la communauté druze persistait».
Elle a en outre affirmé avoir évacué trois druzes syriens, blessés dans les heurts près de Damas, vers un hôpital en Israël.
«En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (…)», estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.
Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a appelé les druzes à « rejeter toute ingérence israélienne ».
Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les druzes.
Début mars, à la suite d’escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d’une intervention militaire si les autorités syriennes s’en prenaient aux druzes.
Les dignitaires druzes avaient rejeté ces propos, réaffirmant leur attachement à l’unité de la Syrie.
La Turquie, pays allié du pouvoir syrien, a appelé Israël à «cesser ses frappes aériennes» sur la Syrie.
Avec AFP
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