Adieu les liasses: le Liban lance des billets de 500.000 et d’un million
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Dans un pays où transporter une petite fortune en billets de 100.000 livres était devenu aussi courant que de prendre son café le matin, le Liban a décidé de dire adieu aux piles de billets. Avec l’arrivée des nouvelles coupures de 500.000 et 1 million de livres, fini le besoin de sacoches XXL pour faire ses courses! L’objectif? Faciliter les paiements au quotidien. Mais attention, derrière cette «révolution monétaire» se cache une question qui trotte dans toutes les têtes: l'inflation. Ces nouveaux billets seront-ils la baguette magique qui va résoudre tous les problèmes, ou simplement un joli trompe-l'œil pour masquer une crise toujours bien présente?

Après presque six ans de crise économique et financière, le Liban a enfin pris la décision tant attendue d’émettre de nouveaux billets de banque. Cette mesure a été approuvée par le Parlement après un long processus législatif de près de deux ans. Jeudi dernier, les députés ont validé la proposition de loi du député Ziad Hawat, qui permet désormais à la Banque du Liban (BDL) d’émettre des coupures de 500.000, 1 million, 2 millions et 5 millions de livres libanaises, ainsi que de nouvelles pièces de monnaie de 1.000, 5.000, 10.000 et 20.000 livres. Un changement de taille alors que la livre libanaise a perdu près de 98% de sa valeur depuis le début de la crise en 2019 et que l’économie traverse des turbulences sans fin.

L’introduction de ces nouvelles coupures de grande valeur vise à alléger le fardeau des citoyens libanais, qui, face à l’hyperinflation, sont contraints de transporter des liasses de billets pour effectuer des achats quotidiens.

L’économiste en chef de la Byblos Bank, Nassib Ghobril, explique à Ici Beyrouth que l’émission de nouvelles coupures de billets résulte de la dépréciation de la livre libanaise, de l’inflation galopante et de l’arrêt du système de paiement sans numéraire (virements bancaires, cartes). Il précise que cette situation n’est pas propre au Liban, parce que tous les pays confrontés à une crise, à la dévaluation de leur monnaie et à une inflation élevée prennent des mesures similaires. Il estime que cette décision est favorable pour les transactions.

Par ailleurs, M. Ghobril indique que, selon les chiffres de la BDL, la masse monétaire imprimée au Liban s’élève à 157.600 milliards de livres libanaises, dont 94% sont des billets de 100.000 livres et 4,5% des billets de 50.000 livres. Les autres catégories (20.000, 10.000, 5.000 et 1.000 livres) représentent 1,5% du total.

Avantages ou risques? 

L’avantage immédiat de cette émission de nouveaux billets est de simplifier les transactions quotidiennes. Les coupures et les pièces de valeur plus élevée permettront de réduire le nombre de billets nécessaires pour des achats simples. Cela représente une avancée pour l’économie informelle et les petites entreprises qui se retrouvent souvent à jongler avec des piles de billets pour des montants relativement faibles.

Bien que la simplification des paiements apparaisse comme une mesure bénéfique, elle entraînerait certains risques importants.

L’un des principaux enjeux est l'inflation. Si l’émission de nouveaux billets n’est pas, en elle-même, directement responsable de l’inflation, un manque de régulation de la masse monétaire pourrait aggraver la situation économique déjà précaire du pays. Si les autorités ne parviennent pas à maîtriser l’offre monétaire et à accompagner cette mesure de réformes structurelles, l’inflation pourrait s’intensifier.

M. Ghobril se montre rassurant, indiquant que la BDL introduira ces nouveaux billets de manière progressive et contrôlée. Selon lui, l’objectif de la Banque centrale est de maintenir la masse monétaire actuelle, estimée à 83.000 milliards de livres libanaises. L’économiste ajoute qu’il n’y a aucun risque d’injecter une quantité excessive de billets qui pourrait augmenter la masse monétaire en circulation.

Par ailleurs, une telle situation pourrait entraîner des spéculations sur le taux de change ou générer des pressions inflationnistes.

M. Ghobril anticipe également que la BDL procéderait à un retrait soigneusement organisé d’une partie des petites coupures déjà en circulation, dans le but de réorganiser l’économie sans causer de nouvelles tensions. En revanche, un échec à maîtriser cette masse monétaire risque d’exacerber les problèmes économiques existants.

L’impression de ces nouveaux billets sera assurée par la Banque centrale, avec l’assistance d’imprimeries spécialisées. Bien que le coût exact de l’opération n’ait pas été divulgué, on peut s'attendre à ce que la production de ces billets soit coûteuse, en raison des mesures de sécurité renforcées pour éviter la contrefaçon.

L’émission de nouveaux billets au Liban, après des années de crise, est une étape nécessaire pour faciliter les paiements dans un pays où chaque journée ressemble à un défi économique. Toutefois, cette mesure ne doit pas être un simple coup de peinture fraîche: elle doit s’accompagner de réformes économiques et financières sérieuses. Sinon, on risque de transformer ce billet de 500.000 livres en un joli pansement... sur une plaie béante!

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