
Une attaque d’une violence rare a frappé ce mardi la région de Pahalgam, haut lieu touristique du Cachemire indien, où des hommes armés ont ouvert le feu sur un groupe de voyageurs, faisant au moins 26 morts. C’est l’un des assauts les plus meurtriers contre des civils depuis des années dans cette région secouée par une insurrection séparatiste depuis 1989.
Selon les premiers éléments recueillis par l’AFP auprès des services de sécurité locaux, les assaillants ont surgi d’une forêt proche d’une clairière, près du site touristique, avant de tirer sans relâche. Un témoin, sous couvert d’anonymat, a confié que les tireurs semblaient viser spécifiquement les hommes, épargnant les femmes.
L’émotion est vive dans tout le pays. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, qui a interrompu un déplacement en Arabie saoudite pour regagner l’Inde, a dénoncé un «acte odieux», promettant que les coupables seraient «traduits en justice». Dans un communiqué, il a affirmé que «la détermination à lutter contre le terrorisme est inébranlable» et qu’elle «ne fera que se renforcer».
La communauté internationale a également réagi. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a «fermement condamné» l’attaque, rappelant que «les violences contre les civils sont inacceptables quelles que soient les circonstances». Le président américain, Donald Trump, a, lui aussi, exprimé son soutien à l’Inde sur son réseau Truth Social, assurant que les États-Unis se tiennent «fermement aux côtés de l’Inde face au terrorisme».
Ce nouvel épisode sanglant survient au lendemain d’une rencontre à New Delhi entre le Premier ministre Modi et le vice-président américain, JD Vance, en visite officielle de quatre jours. Si aucun lien n’a encore été établi entre cet échange diplomatique et l’attaque, leur concomitance soulève des questions.
Le ministre de l’Intérieur, Amit Shah, s’est rendu sur les lieux en urgence, promettant que les auteurs de cette «terreur lâche» ne seraient pas épargnés. Le dirigeant local Omar Abdallah a, lui aussi, réagi avec gravité, soulignant que l’attaque était «bien plus importante que tout ce que nous avons vu contre des civils ces dernières années». Rahul Gandhi, leader du parti du Congrès, a appelé le gouvernement à «assumer ses responsabilités», qualifiant les faits de «dévastateurs».
Huit décennies de conflit
Depuis 2019 et la révocation de l'autonomie limitée du Cachemire par le gouvernement Modi, New Delhi s’efforce de projeter une image de stabilité dans la région, en particulier en développant l’industrie touristique. En 2024, ce sont environ 3,5 millions de visiteurs, majoritairement indiens, qui ont exploré cette région aux paysages somptueux. Le succès touristique semblait illustrer un retour au calme, renforcé par la tenue d’une réunion du G20 à Srinagar l’an passé sous haute sécurité.
Mais derrière cette façade apaisée, le Cachemire reste l’une des régions les plus militarisées au monde, avec 500.000 soldats indiens déployés en permanence. Depuis 1989, une insurrection menée par des groupes séparatistes réclame l’indépendance du territoire ou son rattachement au Pakistan. L’Inde accuse régulièrement son voisin de soutenir ces rebelles – ce que le Pakistan dément, se disant uniquement favorable au droit des Cachemiris à l’autodétermination.
Le conflit au Jammu-et-Cachemire remonte à la partition de l’Inde en 1947, lorsque la région, à majorité musulmane, a été disputée entre l’Inde et le Pakistan. Ce différend territorial a entraîné plusieurs guerres et à une situation de tension constante entre les deux pays. En 1989, une insurrection armée a émergé, alimentée par des revendications d’indépendance ou de rattachement au Pakistan. Depuis, la région est marquée par une violence persistante, qui a coûté la vie à des milliers de civils et de militaires.
Le style Modi: la fermeté comme doctrine
Narendra Modi, connu pour sa rhétorique musclée et ses réponses expéditives aux attaques terroristes, n’a jamais hésité à recourir à la force. En février 2019, après l’attentat de Pulwama ayant coûté la vie à 40 policiers, son gouvernement avait autorisé des frappes aériennes en territoire pakistanais – une première depuis 1971 –, ciblant ce qu’il avait présenté comme des camps d’entraînement terroristes. Cette décision avait provoqué un regain de tension majeur entre les deux puissances nucléaires.
Par ailleurs, le ministre indien de la Défense, Rajnath Singh, a déclaré mercredi que les personnes qui ont mené et planifié l'attaque la plus meurtrière contre des civils dans la région du Cachemire depuis 2000 recevraient rapidement une réponse «sans ambiguïté».
La révocation unilatérale de l’autonomie du Jammu-et-Cachemire en août 2019, suivie d’un black-out médiatique, d’un déploiement massif de troupes et d’arrestations à grande échelle, s’inscrivait déjà dans cette logique de contrôle total. Pour Narendra Modi, adepte du nationalisme hindou, les questions de sécurité sont centrales et toute atteinte à l’intégrité du territoire indien appelle une riposte ferme, voire spectaculaire, pour affirmer sa posture de chef fort à l’approche des élections.
L’attaque de Pahalgam pourrait donc s’inscrire dans un cycle déjà connu: un drame, une déclaration martiale, puis une démonstration de force. Reste à savoir si, cette fois encore, la réponse sera militaire et jusqu’où Modi sera prêt à aller pour répondre à cette nouvelle provocation sur un terrain déjà saturé de tensions et de mémoires douloureuses.
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