Plus de 100.000 Afghans ont dû quitter le Pakistan en trois semaines
Des réfugiés afghans devant être expulsés vers l'Afghanistan attendent avec leurs affaires à l'extérieur d'un centre de rétention près de la frontière pakistano-afghane à Chaman, le 22 avril 2025. ©Abdul BASIT / AFP

Plus de 100.000 Afghans, pour plus de la moitié des enfants, ont quitté le Pakistan qui a lancé il y a trois semaines une campagne d’expulsion massive visant des migrants parfois nés sur son sol ou y résidant depuis des décennies.

Le ministère pakistanais de l’Intérieur a recensé « 100.529 Afghans (ayant) quitté le pays » depuis le 1er avril.

Islamabad, qui voit les violences exploser dans ses régions frontalières avec l’Afghanistan, accuse les trois millions d’Afghans vivant sur son sol d’être « liés au terrorisme et au narcotrafic ».

En rétorsion, il a purement et simplement annulé au 1er avril les 800.000 cartes de résidence distribuées à des Afghans.

Fin 2023 déjà, quelque 800.000 Afghans étaient rentrés dans leur pays d’origine lors d’une première campagne similaire.

Kaboul, dont le gouvernement taliban n’est reconnu par aucun pays au monde, se dit « préoccupé » et « déçu » par ces expulsions et accuse son voisin d’utiliser les migrants « à des fins politiques ».

Désormais, chaque jour, des convois de familles juchées avec leurs ballots faits à la hâte sur des camions colorés franchissent les deux postes-frontières entre le Pakistan et l’Afghanistan.

« Je suis né au Pakistan et je n’ai jamais mis les pieds en Afghanistan », s’inquiète Allah Rahmane, 27 ans, rencontré samedi par l’AFP au poste-frontière de Torkham, dans le nord-ouest du Pakistan.

Emplois « volés » et tâches « honteuses » 

Lui a préféré partir volontairement avant d’être arrêté, alors que le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a déjà recensé depuis début avril plus d’arrestations et de détentions d’Afghans au Pakistan que durant toute l’année 2024.

Militants et migrants accusent depuis des mois le Pakistan d’arrestations arbitraires, de racket et de harcèlement à l’encontre des Afghans.

« J’ai eu peur d’être humilié par la police avec ma famille », raconte Allah Rahmane, donc « on rentre en Afghanistan parce qu’on n’a vraiment aucun autre choix ».

Là-bas, ne cessent de répéter les ONG, ces migrants de retour ne trouveront que marasme économique et pauvreté galopante.

Car si les violences ont quasiment disparu depuis le retour au pouvoir des talibans à l’été 2021, plus de la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire pour survivre, ce qui fait de l’Afghanistan la deuxième plus grande crise humanitaire du monde.

Au Pakistan toutefois, cette nouvelle campagne bénéficie d’un large soutien de la population.

« Les loyers ont doublé depuis l’arrivée des Afghans », lance Tanveer Ahmad, coiffeur d’Islamabad de 41 ans.

« Ils sont venus pour obtenir le statut de réfugié, mais ils ont fini par voler les emplois des Pakistanais qui ont déjà du mal à s’en sortir », martèle-t-il.

À l’inverse, un commerçant s’inquiète, en refusant de donner son nom : « les Afghans acceptent des tâches dont les Pakistanais ont honte, comme ramasser les ordures. Qui le fera après leur départ ? »

En attente d’un visa 

Samedi, le Premier ministre taliban Hassan Akhund a dénoncé les « mesures unilatérales » de son voisin et exhorté le chef de la diplomatie pakistanaise Ishaq Dar qu’il recevait à Kaboul à « faciliter un retour digne des réfugiés afghans ».

D’après le HCR, « 58 % d’entre eux sont des enfants » — qui rentrent dans le seul pays au monde où les filles n’ont pas le droit d’étudier au-delà de 12 ans.

Naqibullah, 39 ans, rencontré par l’AFP du côté afghan de Torkham, sait déjà qu’il va devoir déscolariser ses filles.

« Au Pakistan, elles allaient à l’école et apprenaient dans différents domaines, ici, elles ne pourront pas étudier et c’est un problème », lance-t-il.

Parmi les Afghans présents au Pakistan, des milliers ont quitté leur pays à la demande d’ambassades qui se sont retirées de Kaboul à la prise de pouvoir des talibans et délivrent désormais leurs visas à Islamabad, notamment.

Outre les programmes de réinstallation d’Afghans et d’Afghanes — pour la plupart menacés sous le pouvoir taliban — en Europe et ailleurs dans le monde, une bonne part des près de 13.000 Afghans ayant obtenu le feu vert pour une relocalisation aux États-Unis attendent au Pakistan.

Le sort de ces « 12.866 candidats », selon le département d’État américain, est aujourd’hui suspendu à la décision du président Donald Trump de reprendre les programmes d’aide aux réfugiés qu’il a gelés.

Le Pakistan, lui, a donné jusqu’au 30 avril aux ambassades pour évacuer ces réfugiés avant de les expulser également. Et le 30 juin, il réévaluera la situation des plus de 1,3 million de porteurs de carte dites « PoR » du HCR.

Par Shrouq TARIQ / AFP

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