Sur le corps du Ressuscité, les blessures de l’amour
Un rayon de soleil illumine l’intérieur du bâtiment tandis que les chrétiens orthodoxes allument des bougies lors de la cérémonie annuelle du Saint Feu à l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, la veille de Pâques orthodoxe, le 19 avril 2025. ©JOHN WESSELS / AFP

Le Christ est ressuscité des morts et est «monté» au ciel, laissant aux hommes son amour intense et de nombreux mystères à éclaircir. Sa résurrection s’est faite sans témoins, contrairement à son ascension. Il a défié les lois de la pesanteur, puis une «nuée» l’a soustrait aux regards de ses disciples stupéfaits, au point qu’il a fallu deux anges pour les aider à détourner leur regard du ciel.

Ce qui est sûr, c’est que Jésus a disparu aux yeux des disciples avec ce corps qu’ils lui connaissaient, et que ce corps portait toujours les marques des fouets, des gifles, des contusions, des écorchures, des chutes, du patibulum, des clous et de la lance. Nous avons, là-dessus, le témoignage de l’évangéliste Luc. Ce dernier raconte que deux des disciples qui se rendaient à pied à Emmaüs, à environ 11 kilomètres de Jérusalem, et auxquels Jésus s’était révélé en chemin, étaient immédiatement retournés sur leurs pas pour raconter aux apôtres restés à Jérusalem les circonstances de leur extraordinaire rencontre. Et voilà que Jésus se tient au milieu d’eux. Tremblants de peur, ils le prennent pour un fantôme. Mais il leur montre ses mains et ses pieds et va jusqu’à leur dire: «Touchez-moi et rendez-vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai». Et, comme ils demeuraient interdits, il se fait offrir un morceau de poisson grillé et le mange sous leurs yeux. Des théologiens ont pu parler de «corps glorifié», mais à s’en tenir aux Évangiles, c’est bien avec un corps «en chair et en os» qu’il disparaît aux yeux de ses fidèles. Pour se retrouver dans quel espace, puisque les corps ont un volume? Mystère.

Les Évangiles nous rapportent bien d’autres défis de Jésus aux lois du monde physique. Pour les amateurs d’histoires, l’une des plus belles est celle de l’apparition de Jésus, de bon matin, au bord du lac de Galilée, au terme d’une nuit de pêche infructueuse de ses apôtres et disciples. Las de s’interroger sur son sort, ceux-ci avaient décidé de reprendre la pêche. La scène a lieu, on l’aura compris, après la résurrection. De la rive, Jésus interpelle les apôtres: «Les enfants! Avez-vous du poisson?» Dans les filets de l’apôtre Pierre et de ceux qui l’accompagnent, aucun poisson ne s’est pris de la nuit. Et voilà Jésus qui leur conseille de jeter le filet à droite de la barque, et cette fois, la prise est inespérée. À ce «signe», Jean reconnaît le Seigneur. «Venez déjeuner», leur dit Jésus, une fois à terre. Il y a là un feu de braises, du pain et du poisson. D’où venaient-ils, puisque les disciples venaient de tirer la barque et les filets à terre? Mystère!

Autre récit plein de charme, la multiplication des pains. Suivi par une foule depuis trois jours, Jésus ne veut pas la congédier de peur que les familles avec leurs enfants ne défaillent en route. Soudain, il a la solution: il va «multiplier» les pains et les poissons disponibles. Il fait asseoir la foule et, après avoir béni les quelques pains et poissons disponibles, il tend aux disciples, d’une réserve apparemment inépuisable de provisions, de quoi nourrir plusieurs milliers de personnes. D’où sont venus les pains et les poissons, si vraiment rien ne se perd et rien ne se crée? De quelle fulgurante imprimante 3D? Mystère! Pourtant, la question mérite autant d’attention que celle que se posent les scientifiques sur l’origine de la matière.

Résurrection et non réanimation

Sous le titre «Jésus de Nazareth», Benoît XVI a publié en deux tomes une lecture personnelle du message et de la vie de Jésus, où il s’exprime à titre privé, comme théologien. Dans le second tome, qui s’achève sur la résurrection, il rapporte, citant saint Paul, que «Le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, il a été mis au tombeau, il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures. Il est apparu à Céphas, puis aux Douze». (1 Co 15, 3-8).

En répétant à deux reprises «selon les Écritures», Paul entend souligner que cette mort n’est pas un hasard historique, qu’elle répond à la prescience de Dieu. Après la fête de la Pâque où elles ont respecté le repos sabbatique (très strict), certaines des femmes qui avaient assisté à la crucifixion de Jésus, se hâtent de bon matin pour embaumer son corps.

Les femmes découvrent que le tombeau où le corps a été déposé est vide. Certes, c’est «la réalité de l’absence», mais la tombe vide ne peut être à elle seule une preuve de la résurrection, reconnaît Benoît XVI. Les apparitions subséquentes de Jésus vont attester de sa réalité.

La résurrection de Jésus a bien eu lieu, et il ne s’agit pas d’une simple réanimation, n’hésite pas à dire Joseph Ratzinger dans son ouvrage. Jésus inaugure «une vie qui n’est plus soumise à la loi de la mort et du devenir (NDLR: c’est-à-dire du temps), mais qui est située au-delà de cela», ajoute-t-il. Il s’agit ni plus ni moins d’une «nouvelle dimension de l’être humain», d’une «mutation décisive», d’un «saut qualitatif» d’un ordre de réalités à un autre.

Tout a commencé de manière modeste, par une tombe vide et quelques apparitions que les autorités juive et romaine de l’époque ont résolu de dissimuler. Mais en profondeur, c’est l’éternelle histoire du grain de blé qui va devenir épi. Un corps a été semé, un autre a été récolté. Mystère. Les débuts des nouveautés sont petits, presque invisibles. Ils peuvent être ignorés. «La résurrection, du point de vue de l’histoire du monde, est peu voyante, c’est la semence la plus petite de l’histoire», insiste Benoît XVI, mais ce qui va suivre sera certainement «un pas de géant pour l’humanité», pour reprendre, à bon droit cette fois, l’expression de l’astronaute Neil Armstrong posant les pieds sur la lune.

En retournant au Père, le Christ a laissé au monde de précieuses reliques: ses paroles et les sacrements, bien sûr, mais en extra, son linceul, icône photographique miraculeuse et non reproductible laissée sur un tissu de lin par la «Lumière incréée» et le Feu sacré de Jérusalem, cité de la paix. Mais c’est au ciel qu’il a emporté les reliques de ses blessures. Suspendu sur la croix, il n’était plus que blessures. «Regarde ce qu’a fait l’amour! », dit-il un jour à la mystique espagnole Josefa Menendez, en montrant la plaie de son côté.

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