Le dollar fléchit, le Liban s’inquiète
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La devise américaine recule face aux principales monnaies internationales, dans un contexte tendu marqué par une escalade des droits de douane initiée par le président Donald Trump. Cette guerre commerciale ouverte fragilise la position du dollar sur les marchés mondiaux.

La monnaie américaine peut-elle encore prétendre à son statut de référence dominante dans les échanges internationaux? La question se pose avec d’autant plus d’acuité pour le Liban, dont l’économie dollarisée repose largement sur la stabilité du billet vert. Face à une crise multidimensionnelle qui perdure depuis cinq ans, le pays s’est appuyé sur la dollarisation pour contenir les effets de l’effondrement économique. Mais cette stratégie reste vulnérable aux fluctuations de la devise américaine.

Comparatif de dévaluation de deux monnaies

Dans le contexte économique actuel, le Liban est confronté à une double dévaluation: celle de sa monnaie nationale, la livre libanaise, et celle du dollar américain. Mais l’écart entre les deux évolutions n’est pas à son avantage. En effet, la dépréciation rapide de la livre a largement surpassé celle du billet vert, annulant tout bénéfice potentiel pour le pays.

«C’est comme participer à une course où tout le monde ralentit, sauf que vous, vous chutez en courant», commente un observateur interrogé par Ici Beyrouth.

Le Liban: l’art de consommer sans produire  

Le Liban continue d’importer l’essentiel de ses biens de consommation — carburants, denrées alimentaires, équipements médicaux — en devises fortes. En clair, le pays consomme bien plus qu’il ne produit, creusant un déficit commercial chronique. En 2024, les importations ont atteint 16,9 milliards de dollars, contre seulement 2,7 milliards d’exportations.

Dans une économie largement dollarisée, la récente dépréciation du billet vert face à d’autres grandes devises — euro, yen, yuan, livre sterling — risque d’aggraver ce déséquilibre. Plus le dollar s’affaiblit, plus le pouvoir d’achat extérieur du Liban diminue, rendant les importations encore plus coûteuses. Une flambée des prix à l’importation qui pourrait alimenter une inflation déjà hors de contrôle.

Concrètement, si le dollar recule face à l’euro, par exemple, un conteneur payé en euros coûtera plus cher en dollars. Et l’impact est loin d’être négligeable: l’Union européenne, premier partenaire commercial du Liban dans le cadre d’un accord d’association, représente à elle seule 34% des importations libanaises. Celles-ci ont atteint 5,4 milliards d’euros en 2023, contre 4,9 milliards en 2024.

L’érosion de l’épargne des Libanais

La baisse du dollar, devenu la principale monnaie refuge des Libanais depuis le début de la crise en 2019, fragilise désormais leur épargne. Autrement dit, le pouvoir d’achat de cette épargne diminue en termes réels, notamment sur les marchés internationaux. Une tendance préoccupante, d’autant que la majorité des revenus au Liban sont aujourd’hui perçus en dollars ou indexés sur cette devise.

Le billet vert a ainsi perdu plus de 6% de sa valeur face à l’euro en moins de trois mois, atteignant son niveau le plus bas depuis février 2022. Il a également reculé de 4,5% face à la livre sterling, de plus de 7% face au yen japonais, et de 6% face au franc suisse. Ce dernier a d’ailleurs atteint, vendredi dernier, son plus haut niveau face au dollar en dix ans.

En résumé, l’éventualité d’une dépréciation prolongée du billet vert pourrait accentuer la vulnérabilité financière du Liban, fragiliser davantage ses réserves en devises et accroître la pression sur un système bancaire déjà en difficulté.

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